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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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Au milieu de la cour, la fontaine surmontée d’un dôme fonctionnait à nouveau, l’eau en jaillissait allégrement. Je fermai les yeux quelques instants.
     
     
    Le White Hall était une petite salle située de l’autre côté d’une cour très ancienne, en face du Painted Hall. Des bancs étaient alignés le long des murs d’un vestibule exigu. Trois plaignants s’y tassaient, regardant les avocats qui discutaient. Des indigents venaient là des quatre coins du pays pour écouter les avocats, comme moi rémunérés par l’État, défendre leur dossier. Beaucoup de ces plaignants portaient des vêtements de péquenots, fabriqués à la maison, et si la plupart d’entre eux semblaient impressionnés de se trouver au milieu de ces magnifiques bâtiments anciens, certains arboraient au contraire un air déterminé.
    J’aperçus mon premier client, Gib Rooke. Âgé d’une trentaine d’années, petit, trapu, le visage carré et hâlé, il portait un surcot rouge,bien trop voyant pour une audience au tribunal. La mine renfrognée, il fixait deux hommes qui bavardaient dans la salle. L’un était grand, richement vêtu, et l’autre, à ma grande surprise, était Bealknap. Vêtu de sa robe noire, le visage émacié, mon vieux rival triturait des documents dans sa sacoche. Son interlocuteur, l’homme de haute taille, paraissait lui faire des reproches.
    « Salut, Gib ! lança Barak à Rooke en s’asseyant à côté de lui. Vous vous êtes luxueusement habillé pour la circonstance… »
    Rooke lui fit un signe de tête, puis leva les yeux vers moi.
    « Bonjour, messire Shardlake. Prêt pour la bagarre ? »
    Je plantai sur lui un regard sévère. Le fait d’avoir leur propre avocat montait à la tête de certains de mes clients et, contre leurs propres intérêts – les tribunaux exigeant sérieux et respect –, ils se poussaient du col et faisaient les malins. « Je suis prêt, répondis-je. Nous avons un bon dossier. Si nous perdons ce sera peut-être parce que les juges vous auront trouvé insolent. Alors surveillez votre langage durant l’audience. Paré comme vous l’êtes, vous risquez de produire une mauvaise impression. »
    Il rougit. Gib Rooke était l’un des nombreux maraîchers qui, depuis une quinzaine d’années, cultivaient des jardins potagers dans les marais de Lambeth, situés de l’autre côté du fleuve. À cause de sa croissance, Londres avait besoin de plus en plus de denrées. Asséchant des étendues de marécages inoccupés, les maraîchers s’y installaient sans l’autorisation des propriétaires, lesquels n’avaient jamais cultivé ces terrains et habitaient parfois très loin des lieux. Ayant depuis peu constaté qu’on pouvait en tirer profit, ces propriétaires recouraient aux tribunaux d’instance pour faire expulser les maraîchers et récolter les bénéfices de leur travail. Gib avait fait appel à la Cour des requêtes pour éviter l’expulsion, invoquant d’anciennes lois selon lesquelles une personne avait le droit de rester sur une terre de moins de deux arpents si elle l’occupait depuis au moins douze années sans qu’il y ait eu de réclamation. J’avais réussi à dénicher des exemples faisant jurisprudence en ce domaine.
    Gib désigna Bealknap d’un signe de tête. « Ce vieux porc de sir Geoffrey semble mécontent de son avocat.
    — Je connais Bealknap. Ne le sous-estimez pas. » Et, en vérité, c’était un très astucieux juriste. Toutefois, ce jour-là, il paraissait avoir des difficultés avec ses documents et fouillait frénétiquement dans sa sacoche. Levant la tête brièvement, il m’aperçut et chuchota quelque chose à son client. Sur ce, ils s’éloignèrent.
    Je m’assis de l’autre côté de Gib, qui posa sur moi un regard brûlant de curiosité. « Il paraît qu’y a eu un terrible meurtre à Lincoln’s Inn.On aurait trouvé un avocat dans la fontaine, la gorge tranchée. Le dimanche de Pâques ! »
    Comme je l’avais redouté, l’histoire se répandait. « Le meurtrier sera retrouvé. »
    Il secoua la tête. « On dit qu’on sait pas qui c’est. Quelle étrange façon de trucider quelqu’un ! Ah ben, c’est l’époque qui veut ça.
    — Je suppose que vous faites allusion aux signes et aux augures », dis-je d’un ton las, me rappelant le batelier.
    Il haussa les épaules. « J’en sais rien. Mais plusieurs meurtres atroces ont été commis ces derniers temps. L’un des maraîchers des

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