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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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retranchements autour du
château. La terre retirée des fossés servait à établir des plates-formes et des
pentes d’assaut. Ce n’était que bruits de pelles et de charrois, grincements
d’essieux, claquements de fouets et jurons. Je me serais cru revenu à
Villeneuve.
    Les haches retentissaient dans les
forêts avoisinantes. Certains villageois des parages faisaient leurs affaires,
s’ils vendaient de la boisson. D’autres avaient la mauvaise surprise de voir
soudain six goujats démolir leur grange pour en emporter les poutres. « Service
du roi ! » C’était vite dit. Et les pioches de s’attaquer aux murs de
torchis, et les cordes de tirer sur les bois de colombages, et bientôt, dans un
grand craquement, tout s’écroulait. « Il aurait bien pu aller se planter
ailleurs, le roi, plutôt que de nous envoyer ces malfaisants qui nous ôtent nos
toits de dessus la tête », disaient les manants. Ils commençaient à
trouver que le roi de Navarre était un meilleur maître, et que même la présence
des Anglais pesait moins lourd que celle du roi de France.
    Je restai donc à Breteuil un morceau
de juillet, au grand dam de Capocci qui aurait préféré le séjour de Paris… moi
aussi je l’eusse préféré !… et qui envoyait en Avignon des missives
pleines d’acrimonie où il laissait entendre fielleusement que je me plaisais
plus à contempler la guerre qu’à faire avancer la paix. Or comment, je vous le
demande, pouvais-je faire avancer la paix sinon en parlant au roi, et où
pouvais-je lui parler, sinon au siège dont il ne paraissait pas vouloir
s’éloigner ? Il passait ses journées à tourner autour des travaux en
compagnie de l’Archiprêtre ; il usait son temps à vérifier un angle
d’attaque, à s’inquiéter d’un épaulement, et surtout à regarder monter la tour
de bois, un extraordinaire beffroi sur roues où l’on pourrait loger force
archers, avec tout un armement d’arbalètes et de traits à feu, une machine
comme on n’en avait point vu depuis les temps antiques. Il ne suffisait pas
d’en bâtir les étages ; il fallait encore trouver assez de peaux de bœufs
pour revêtir cet énorme échafaud ; et puis construire un chemin dur et
plat, pour pouvoir l’y pousser. Mais quand elle serait prête, la tour, on
verrait des choses étonnantes !
    Le roi me conviait souvent à souper,
et là je pouvais l’entretenir. « La paix ? me disait-il. Mais c’est
tout mon désir. Voyez, je suis en train de dissoudre mon ost, gardant juste
avec moi ce qu’il me faut pour ce siège. Attendez que j’aie pris Breteuil, et
aussitôt après je veux bien faire la paix, pour complaire au Saint-Père. Que
mes ennemis me soumettent leurs propositions. – Sire, disais-je, il
faudrait savoir quelles propositions vous seriez prêt à considérer… –
Celles qui ne seront pas contraires à mon honneur. » « Ah ! ce
n’était pas tâche facile ! Ce fut moi, hélas, qui eut à lui apprendre, car
j’étais mieux informé que lui, que le prince de Galles rassemblait des troupes
à Libourne et à La Réole pour une nouvelle chevauchée.
    « Et vous me parlez de paix,
Monseigneur de Périgord ?
    — Précisément, Sire, afin
d’éviter que de nouveaux malheurs… – Cette fois, je ne permettrai pas que
le prince d’Angleterre s’ébatte en Languedoc comme il le fit l’an passé. Je
vais convoquer l’ost de nouveau, pour le 1 er août, à
Chartres. »
    Je m’étonnai qu’il laissât partir
ses bannières pour les rappeler, une semaine plus tard. Je m’en ouvris,
discrètement, au duc d’Athènes, à Audrehem, car tout ce monde venait me voir et
se confiait à moi. Non, le roi s’obstinait, par un souci d’économie qui ne lui
ressemblait guère, à renvoyer d’abord le ban, qu’il avait appelé le mois précédent,
pour le rappeler, avec l’arrière-ban. Quelqu’un avait dû lui dire, Jean
d’Artois peut-être ou une aussi fine cervelle, qu’il épargnerait ainsi quelques
jours de solde. Mais il aurait pris un mois de retard sur le prince de Galles.
Oh ! oui, il lui fallait faire la paix ; et plus il attendrait, moins
elle serait négociable à sa satisfaction.
    Je connus mieux l’Archiprêtre, et je
dois dire que le bonhomme m’amusa. Le Périgord le rapprochait de moi ; il
vint me demander de lui faire rendre son bénéfice. Et en quels termes !
« Votre Innocent… – Le Saint-Père, mon ami, le Saint-Père… lui
disais-je. – Bon, le

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