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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Châlons et Verdun.
D’abord, parce que j’ai affaire à Verdun… je suis chanoine de la cathédrale… et
puis parce que je ne veux point paraître me joindre avec le Dauphin. Mais
rapprochés comme nous sommes, nous pourrons à tout moment échanger messagers,
dans la journée ou presque ; et puis nos liaisons deviennent plus aisées
et rapides, avec Avignon…
    Quoi donc ? Qu’avais-je promis
de vous conter et que j’ai oublié ? Ah… ce que fit le roi Jean à Paris,
pendant les quatre jours qu’il s’absenta du siège de Breteuil ?…
    Il allait recevoir l’hommage de
Gaston Phœbus. Un succès, un triomphe pour le roi Jean, ou plutôt pour le
chancelier Pierre de La Forêt qui avait, patiemment, habilement, préparé la
chose. Car Phœbus est beau-frère du roi de Navarre et leurs domaines tout
voisins, au seuil des Pyrénées. Or, cet hommage traînait depuis le début du
règne. L’obtenir au moment où Charles de Navarre était en prison, voilà qui
pouvait changer les choses, et modifier le jugement de plusieurs cours
d’Europe.
    Bien sûr, la réputation de Phœbus
est venue jusqu’à vous… Oh ! pas seulement un grand veneur, mais aussi un
grand jouteur, un grand liseur, un grand bâtisseur et, de surcroît, un grand
séducteur. Je dirais : un grand prince dont la peine est de n’avoir qu’un
petit État. On assure qu’il est le plus bel homme de ce temps, et j’y souscris
volontiers. Très haut, et d’une force à se battre avec les ours… au propre, mon
neveu, avec un ours, il l’a fait !… il a la jambe bien fendue, la hanche
mince, l’épaule large, le visage lumineux, la dent très blanche sous le
sourire. Et puis surtout il a cette masse de cheveux d’un or cuivré, cette
toison radieuse, ondulée, arrondie jusqu’au bas du col, cette couronne
naturelle, flamboyante, qui lui a fait prendre le soleil pour emblème, ainsi
que son surnom de Phœbus, qu’il écrit d’ailleurs avec un F et un é… Fébus…
parce qu’il a dû le choisir avant d’avoir un peu de grec. Il ne porte jamais de
chaperon et va toujours nu-tête comme les anciens Romains, ce qui est unique
dans nos usages.
    Je fus chez lui, naguère. Car il a
fait si bien que tout ce qui compte dans le monde chrétien passe par sa petite
cour d’Orthez dont il est arrivé à ce qu’elle soit une grande cour. Quand je
m’y trouvais, j’y rencontrai un comte palatin, un prélat du roi Édouard, un
premier chambellan du roi de Castille, sans compter des physiciens réputés, un
célèbre imagier, et de grands docteurs ès lois. Tout ce monde splendidement
traité.
    Je ne sais que le roi Lusignan de
Chypre qui ait si rayonnante et si influente cour, sur un si étroit
territoire ; mais il dispose de beaucoup plus de moyens, de par les
profits du commerce.
    Phœbus a une rapide et plaisante
façon de vous montrer ce qui lui appartient : « Voici mes chiens de
meute… mes chevaux… voici ma maîtresse… voici mes bâtards… Madame de Foix se
porte bien, Dieu soit loué. Vous la verrez ce soir. »
    Le soir, dans la longue galerie
qu’il a fait ouvrir au flanc de son château, et d’où l’on domine un horizon
montueux, toute la cour se réunit et déambule, pendant un grand moment, en
atours superbes, tandis qu’une ombre bleue tombe sur le Béarn. De place en
place sont d’immenses cheminées qui flambent et, entre les cheminées, le mur
est peint à fresque de scènes de chasse qui sont travail d’artistes venus
d’Italie. L’invité qui n’a pas apporté tous ses joyaux et ses meilleures robes,
croyant à un séjour dans un petit château de montagne, fait fort mauvaise
figure. Je vous en avertis, s’il vous advient un jour d’y aller… Madame Agnès
de Foix, qui est Navarre, la sœur de la reine Blanche et presque aussi belle
qu’elle, est toute cousue d’or et de perles. Elle parle peu, ou plutôt, on le
devine, elle craint de parler. Elle écoute les ménestrels qui chantent Aqueres
mountanes que son époux a composé, et que les Béarnais aiment à reprendre
en chœur.
    Phœbus, lui, va de groupe en groupe,
salue l’un, salue l’autre, accueille un seigneur, complimente un poète,
s’entretient avec un ambassadeur, s’informe en marchant des affaires du monde,
laisse tomber un avis, donne un ordre à mi-voix et gouverne en causant. Jusqu’à
ce que douze grands flambeaux portés par des valets à sa livrée le viennent
quérir pour passer à souper, avec tous ses hôtes. Parfois il

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