Quelque chose en nous de Michel Berger
tu t’étonnes que ça marche moins ? Tu t’es demandé pourquoi ?” » Lescure : « Quand Michel se trouvait mis devant ses contradictions, c’était visible sur son visage : ça se creusait, ça s’angulait, c’était physiquement douloureux. Il en venait à vomir, parfois. Ce qui le fascinait chez Balavoine, c’était notamment ça : sa capacité à assumer ses contradictions. Quel sentiment impérieux de l’intransigeance chez Michel. Et en même temps, il était émouvant, c’était un poète. Mais il pouvait parler toute une soirée du communisme, des rapports Est-Ouest, de la bombe atomique, de la décolonisation. Il voyait qu’il n’y avait que lui qui pouvait s’occuper de tout, donc il le faisait. Il m’épatait à cet égard : il était tellement intelligent. Il avait conscience de là d’où il parlait, avec l’obligation afférente de prendre position. Quel raisonneur ! Je l’aimais beaucoup. »
Pour son spectacle au Palais des Sports, Michel s’estdonc fait construire un synthé-guitare (« keytar » en anglais) portable pour en jouer debout, en bandoulière, se libérer de son piano, humer un parfum de rock star, de guitar hero pendant quelques instants, se sentir en un éclair Todd Rundgren, Keith Emerson, Rick Wakeman ou Elton John, qui les utilisent aussi. Pour autant, il n’a pas l’intention de se transformer en attraction de foire, comme il me l’assure, avec l’humour malicieux qui est le sien. « Ça va pas être les Folies Berger ! L’esprit du rock, c’est faire sa musique avec les musiciens qu’on aime, et on se débrouille pour que visuellement il se passe deux ou trois choses qui ne soient pas artificielles, et en communion avec ce qu’on fait, ce dont on a envie. » Après ce passage porte de Versailles, Michel met Gilbert Coullier en concurrence avec Robert Bialek pour la production de ses spectacles en tournée, en vue de sélectionner celui qu’il choisira pour produire France au Zénith. « C’était un test, pour voir de quoi j’étais capable, raconte aujourd’hui le premier. Mais c’est lui qui m’a appris mon métier. Il était conscient qu’il faisait peu de monde sur scène, mais il voulait toujours qu’il se passe quelque chose. » À la télévision, il chante en duo avec Coluche (« Si, maman, si »), Jacques Higelin (tous les deux au piano pour « Le débit de l’eau, le débit de lait » de Trenet), Gilbert Bécaud à deux pianos, Laurent Voulzy (« Quelques mots d’amour » et « Le soleil donne »), Jean-Jacques Goldman aussi au « Grand échiquier » en vrai live avec orchestre de cordes, dirigé par Bernholc et Kamil Rustam en polo jaune pour un solo de guitare espagnole.
Après Tout feu, tout flamme de Jean-Paul Rappeneau (avec Isabelle Adjani, Yves Montand et Alain Souchon), il compose la musique de Rive droite, rive gauche, film de Philippe Labro. « Nous habitions quai Anatole-France, au-dessus de la Seine, ce quai qui fait partiedu film. Michel s’assied et je lui explique ce que je recherche : une musique forte, dense, pas symphonique, mais qui s’inspire un peu du classique. Mais comme c’est aussi un thriller, j’ai besoin de rythme, de césures, de cassures. Il était d’une courtoisie, d’une modestie, d’une discrétion, étonnantes. Je lui fais entendre les musiques que j’aime : Schubert, Mozart, Schumann, et aussi les grands thèmes de certains films américains. J’insiste sur Schubert. Il me regarde en souriant et me dit : “Écoutez, vous ne vous imaginez quand même pas qu’un jour, je pourrais écrire ça ! Si vous attendez ça de moi, vous ne l’aurez pas.” Je lui explique que ce n’est pas le propos, et il me dit qu’il va réfléchir, peut-être enregistrer quelques trucs. Il me donne des nouvelles de temps en temps, me demande de celles de Depardieu, de Nathalie Baye, de Carole Bouquet, mais il est assez distant, rare, pas envahissant. Un jour, il m’appelle, me demande de le rejoindre au studio du Palais des Congrès avec ma femme Françoise avec laquelle j’ai écrit le film et mon producteur, Alain Terzian. Il me joue au piano, et me fait entendre l’enregistrement des deux thèmes principaux, dont le générique de début, avancée sur la Seine la nuit avec la rive droite et la rive gauche. Puis, peu à peu la caméra rentre dans Paris et arrive dans un immeuble, où là il faut que la musique devienne plus tendue et pleine de suspens. Ça me plaît beaucoup, immédiatement. On a
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