Quelque chose en nous de Michel Berger
commencé à travailler les séquences, les plans de montages, les extraits courts. J’étais comblé, c’était une très belle musique, en osmose avec ce moment dans Paris que chronique mon film. Je lui en ai toujours été reconnaissant. »
Consacré par son succès personnel si longtemps désiré et attendu, admiré et respecté grâce aux succès faramineux du dernier album de France et de celuide Johnny, enfin reconnu comme auteur-compositeur grâce à des chansons comme « Cézanne peint » et « Quelque chose de Tennessee », reçu à plusieurs reprises à l’Élysée par un François Mitterrand fan de Starmania (pendant que Coluche lui parlait de cul, Michel discutait ferme pour faire avancer les droits des artistes), adoubé par le conseiller spécial du président Jacques Attali, auteur de Bruits (PUF/Fayard, 1977) qu’il a invité sur un plateau de télévision, sacré par Elton John, engagé dans une carrière américaine, lorsque Michel Berger publie Différences, album à la pochette universaliste « United Colors of Benetton », c’est en parrain bienveillant à l’inspiration semble-t-il à l’abri de la panne sèche.
« Ça n’est pas arrivé depuis longtemps. Mais en réalité, quand je n’ai pas un projet précis, je n’écris pas. J’emmagasine. Par exemple, dans notre conversation, tu as peut-être dit deux mots qui m’ont frappé. Un jour, ils ressortiront. Mais je ne rentrerai jamais chez moi en me disant : “Je vais faire une chanson sur tel sujet.” Le tri se fait tout seul. Celles qui ne sont pas bonnes, je les oublie, puis je les jette. Pour mon dernier album, j’avais dix-huit chansons, je n’en ai gardé que dix. Je les avais toutes enregistrées, pourtant. Je dépense beaucoup d’argent avec ce système. Je pense être la personne qui dépense le plus d’argent pour faire un disque. Mais l’argent est pour ça. C’est un des grands plaisirs que je me suis payés : pouvoir me tromper. Même pour Johnny, on a enregistré des choses qu’on n’a pas gardées. J’écris dans une souffrance épouvantable, une angoisse et une inquiétude quasi insurmontables pour les gens qui vivent avec moi. D’ailleurs, tu n’as qu’à lui demander ! Ça ne s’arrête que le jour où je me dis que les délais sont tellement dépassés que ça ne vaut même plus le coup de continuer. Je suis terriblement désordre.Rien n’est prévu à l’avance, bien que tout le monde en soit persuadé. Je peux t’assurer que je suis fouillis au point qu’il m’est arrivé de perdre des cassettes avec des chansons nouvelles – les meilleures, évidemment – sur lesquelles je n’ai jamais pu remettre la main. Si tu voyais l’endroit où je travaille… Il y a le piano et un tas inextricable de bandes et de cassettes irrécupérables. Et un petit carnet sur lequel je note tout. Quand j’arrive en studio, tout est déjà prêt dans ma tête. Tu penses bien que si c’étaient les musiciens qui faisaient la moitié du boulot, ça ne serait jamais pareil. J’ai travaillé avec des gens si différents qu’au bout du compte, les albums n’auraient rien à voir les uns avec les autres. Une chose que j’ai apprise en travaillant avec tant de musiciens extraordinaires, c’est que quel que soit le talent du musicien que tu as en face de toi, tu dois assumer. Les choses doivent être comme je veux, même si le résultat est nul. Je suis le seul responsable. En entrant en studio, j’ai la chanson dans la tête parfaitement achevée. D’ailleurs, le drame, c’est qu’à l’enregistrement, elle ne sera jamais aussi bien que ce que j’imaginais. De l’instant où j’entre en studio, je me mets à râler et je râle jusqu’au moment où je me dis qu’il faut terminer, que la chanson est prête. Je suis plutôt effondré. On dirait que je viens de perdre toute ma famille et que je porte le poids de tous les péchés du monde. Les gens se prennent alors de compassion et se montrent plutôt prêts à m’aider. D’ailleurs, je n’ai rencontré que deux sortes de gens : ceux qui m’ont démoli sans répit, ce qui me donnait envie de tout arrêter, et ceux qui me disaient que tout était formidable, au risque de me faire attraper la grosse tête, des gens comme Brassens et Trenet, qui n’ont pourtant rien à voir. »
Pour ce numéro de Guitare & Claviers dont il faitla couverture, il est en effet question de technique, matos, inspiration et, comme le titre de son album, des «
Weitere Kostenlose Bücher