Quelque chose en nous de Michel Berger
ses utilisateurs), il milite fermement pour la création d’une chaîne musicale française après l’arrêt de TV6 décidé par le gouvernement Chirac de cohabitation. Il prend la tête des chanteurs français qui en font leur quête anti-MTV, avec Jean-Jacques Goldman et Yves Simon. « Nous sommes devenus intimes en 1987, à cette occasion. On allait par petits groupes de trois ou quatre rencontrer les hommes politiques influents de l’époque : François Léotard, qui était ministre de la Culture, Raymond Barre, Michel Rocard et, in fine, Jacques Chirac, Premier ministre. Pour ce dernier rendez-vous, on était une quinzaine, en grande délégation avec Souchon, Johnny, Mitchell, Gainsbourg, positionnés en fer à cheval devant Chirac rue de Grenelle. “Tout ça, c’est or et platine”, comme le déclare avec emphase un Gainsbourg titubant. Avec Michel et Jean-Jacques, on se voyait beaucoup en dehors pour discuter, échanger, préparer. J’avais été surpris de voir qu’il portait une simple canadienne. Par ailleurs, cette année-là, j’ai commencé à être régulièrement invité à déjeuner àl’Élysée par François Mitterrand, auquel je rendais compte de nos avancées sur ce sujet qui le préoccupait beaucoup. France, Michel, Jacques Attali, avec qui ils étaient très intimes, et moi avons déjeuné deux fois tous les cinq à l’Élysée, à l’invitation de Mitterrand. »
Après Daniel Balavoine, c’est Coluche qui s’est tué quelques mois plus tard. Bernard était mort quatre ans plus tôt, Pauline ne sera pas éternelle, France, après l’immense succès de « Ella, elle l’a », a décidé de s’arrêter pour s’occuper d’elle et de Raphaël. Starmania 88 est un succès non seulement à Paris mais en tournée, et pourtant, pour la première fois. Michel est sombre. Selon ses proches, ses musiciens, il a changé. Il était boulimique de travail, enthousiaste, angoissé, frénétique, sérieux, il est devenu intériorisé, secret, presque détaché. Chez WEA, Bernard de Bosson a été remplacé par Luigi Calabrese. « Je m’étais battu avec lui parce qu’il voulait que je sois dans son contrat, explique l’ancien P-DG. J’ai refusé. “Je veux pouvoir te tenir tête.” Il voulait qu’on monte une boîte ensemble, mais je lui expliquais que je lui servirais plus à la tête de Warner : “Au moins tu y auras un interlocuteur.” J’ai trouvé une astuce. La keyman clause qu’il exigeait était systématiquement refusée par les Américains. Je lui ai proposé de ne pas y faire figurer une seule personne, mais trois : Daniel Filipacchi, Nesuhi Ertegun et moi. Comme ça, si l’un ou l’autre partait, il conservait toujours au moins un ou deux alliés. »
En effet, l’avenant numéro 1 au contrat de licence qui lie France Gall et Michel Berger à WEA Filipacchi Music stipule que « dans le cas où Monsieur Bernard de Bosson serait amené à quitter ses fonctions », Michel Berger « pourra exiger que ses seuls interlocuteurs pour l’exécution du présent contrat soientMessieurs Daniel Filipacchi et/ou Nesuhi Ertegun. » Mieux encore, si jamais ils ont également « cessé d’exercer leur fonction au sein du groupe WEA », Michel aura, pour France comme pour lui et les artistes qu’il produit, « la possibilité de résilier le présent contrat au moyen d’une lettre recommandée avec préavis de six mois », sans devoir rembourser un centime d’avance déjà perçu.
Il est vrai que la concurrence les désire ardemment. « Chez Polygram, Alain Lévy proposait le double de tout ce que nous mettions sur la table, s’emballe Bernard. France était au sommet, préparait un énorme spectacle au Zénith, Michel allait sortir un album. Ils ont été très clairs. Ils ont dit tous les deux : “Si tu pars, on arrête tout. On partira aussi.” Daniel n’était déjà plus là. Nesuhi s’empare de la renégociation. Et leur fait une énorme proposition. Nous sommes en décembre 1986. André Midani au Brésil me prévient qu’en fait Nesuhi a besoin de miser gros car il sait qu’il part et que la keyman clause ne tiendra pas. On a tous été virés dans la foulée. »
Michel s’entendra bien avec Calabrese. Après l’affaire « Allah », il me le présente et m’accompagne en rendez-vous chez Warner, sur les quais, pour envisager la production d’un album à l’occasion des trente ans d’Amnesty International que nous projetons avec la porte-parole Chantal de
Weitere Kostenlose Bücher