Quelque chose en nous de Michel Berger
une chanson, ce qui fait que je me suis finalement offert une progression au cours de cette chanson vers une ambiance de scène. C’était très amusant à faire. Je me souviens que c’était une chose que mon producteur m’avaitdite au début : “Faites attention, parce que vous allez vous prendre pour Dieu.” C’est assez incroyable, impressionnant, et puis tout d’un coup, ça s’arrête au bout d’une heure et demie. C’est après, quand on revient dans sa loge et que vos bottes sont trop petites, qu’on s’aperçoit qu’il n’y a plus personne. Là, on se sent minable. Il faut arriver à assumer ça, et c’est une aventure formidable : on acquiert une générosité qu’on n’a pas avant, et ça, quel qu’en soit le prix, c’est bon quand même. »
Une erreur de jugement, un faux pas, ou plutôt un excès de confiance, une vanité mal maîtrisée dans l’euphorie d’un succès trop longtemps espéré, un viol de la nature même de son auteur, « Voyou » (pourquoi pas « Zazou », ou « Incroyable », tant qu’il y était ?) ouvre et nomme donc cet album qui se voudrait « caillera ». Un autre titre, mieux calibré, est donc destiné à faire son effet sur scène, à la Elton John de « Benny and the Jets » (ou « Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band », le morceau qui ne l’a jamais été par les Beatles), commencé en coulisses, terminé sous les applaudissements après le break de son imparable riff de guitare breveté Doobie Brothers : « Les princes des villes ». Et puis une chanson bénie, requiem à la mélodie et au sentiment magiques, divins, prégnants, à qui qu’elle soit dédiée : « La minute de silence ». Avec la voix de Daniel Balavoine. Lorsqu’ils la chantent tous les deux, en harmonie, côte à côte au piano, filmés de face à la télévision, c’est irrésistible. Je ne peux m’empêcher d’avoir le cœur serré chaque fois que je les revois, et en même temps d’être – un peu bêtement – fier d’eux : « Putain, c’est mes copains ! »
« C’est une chanson sur l’absence. Ils étaient heureux d’être ensemble, tout simplement. C’est joli », déclare France Gall en visionnant ce document dansl’émission « Tout pour la musique », diffusée sur France 2 à l’automne 2007. Quand Michel la chantera au Zénith, après la mort de Daniel, ce deviendra un moment inouï, la salle plongée dans le noir, le public allumant ses briquets et chantant les paroles comme un cantique, n’applaudissant pas à la fin, mais respectant le titre, et transformant soudain le concert en une veille pour Daniel, pour Michel aussi.
Mais l’album comporte un autre chef-d’œuvre, dédié à France et composé à la naissance de Raphaël. « Aller chercher ce qu’il y a de meilleur au plus profond de soi, communiquer des émotions, c’est ce que je fais, disait-il, avec cette fierté modeste, ou cette modestie teintée de fierté, qui le caractérisait. Je me sens plus comme quelqu’un qui dit des choses à des gens de ma génération que comme musicien, quelqu’un qui écrit les mots plus encore que les notes. » « Michel était un mélodiste incroyable, mais la plus hallucinante de ses chansons, musicalement, c’est “La lumière du jour”, affirme de Bosson. C’est le plus bel exemple de son talent, un chef-d’œuvre absolu, la manière dont il donne une dimension hallucinante à sa ligne mélodique par l’éclairage harmonique qu’il met derrière. Je suis submergé quand je l’entends. C’est comme dans le deuxième mouvement du Concerto en sol de Ravel après l’exposé très lent, cette mélodie bouleversante qui est exposée seule au piano et puis là tu as la flûte en sol et la montée de cordes, c’est inouï. Michel est un immense compositeur. Sa musique confine à la musicothérapie. »
Et puis, il y a « Diego, libre dans sa tête », inspiré à Michel par les affiches d’Amnesty International, initialement fait pour être joué à la guitare et qu’il tenait absolument à chanter lui-même, rare entorse à la séparation des répertoires entre France et lui.
« C’est une chanson que j’ai chantée une ou deuxfois en rappel et il s’est passé quelque chose de très spécial. J’ai compris que c’était une chanson qui provoque beaucoup d’émotion. Elle n’est pas beaucoup passée à la radio, ni à la télévision, mais sur scène, elle déclenchait vraiment un moment d’émotion avec les gens. Je jouais
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