Quelque chose en nous de Michel Berger
dépens de ce qu’il est, tente de se réinventer comme l’ont fait chacun à leur manière Bob Dylan, David Bowie, Peter Gabriel, Joni Mitchell ou Neil Young (et par la suite, Prince et Madonna). Mais malheureusement pour lui, si sa sincérité n’est pas en doute, ça ne sonne pas, ça ne résonne pas, malgré un certain succès populaire. « Il souffrait de ne pas pouvoir exprimer la violence, le rock, qu’il avait en lui, à cause de son personnage bien propret, bien rasé, et son timbre de voix ambigu, rappelle Pérathoner. Un jour que j’étais en jean un peu pourri, pas rasé, avec un blouson, il m’a dit : “Oh, j’aimerais bien m’habiller comme toi, et puis ne pas me raser.” Son éducationle bloquait. » Je ne suis pas alors le seul de cette tiédeur, à exprimer ces réticences, qui rejoignent, on l’a vu, celles de son meilleur ami Daniel Balavoine, mais aussi de Janik Top, son second. « Chaque fois qu’il ne s’est pas respecté, ça a été la catastrophe. “Voyou, voyou”, avec la casquette sur la tête, tu regardes ça, tu te dis : “Mais qu’est-ce que c’est que ce machin ?”. Il a essayé d’être quelqu’un d’autre pour plaire au plus grand nombre… » Il ne s’agit pas là que d’une question de shopping.
À l’époque, pourtant, Michel s’y accroche avec toute sa détermination. « Je suis assez content que tu aies une approche pas évidente de “Voyou” parce que c’est le titre le plus important pour moi, celui qui marque le plus l’évolution. C’est le titre de l’album et c’est celui qui marque la différence, puisque je voulais faire une trilogie, partant de l’évolution que je souhaite, alors que l’album devait s’appeler Beausoleil . J’ai tenu à appeler l’album ainsi et c’est vraiment ce que j’ai envie de faire maintenant. C’est là que je veux aller. Tu trouves le texte trop évident, mais en fait, au contraire, il n’est pas évident pour moi. Là où vraiment je m’engage, c’est dans “Voyou”, c’est le côté un peu tendre du mot voyou. Moi, je crois qu’il y a des gens qui foutent la pagaille dans la musique. C’est ceux qui font vraiment la musique aujourd’hui, et c’est ces voyous-là qui sont pour moi les grands musiciens d’aujourd’hui. À part les gens qui font de la musique savante, ce sont eux qui avec une guitare électrique sur scène envoient de l’énergie aux gens et donnent vraiment quelque chose. On est deux à le savoir, mais on n’est pas majoritaire. Tu as compris le rock, mais pour beaucoup de gens, la musique populaire, ce n’est rien de plus que distractif. Je ne crois pas que j’ai un public qui soit le public des groupes rock, du rock, c’est plus large que çaet c’est ça qui m’intéresse. Alors est-ce que Johnny, avec sa voix et son côté Musclor, ça lui aurait mieux convenu ? Je ne crois pas. Tu sais, les interprètes c’est autre chose, ils cherchent des chansons qui leur correspondent. Ils n’ont peut-être pas un itinéraire et des choses à dire. Moi, j’ai des petites choses à dire, pas des chansons à message, mais un itinéraire. Les gens qui me suivent savent que j’ai des choses à dire qui me ressemblent et une chanson importante comme “Voyou”, je n’aurais absolument pas pu la faire chanter par quelqu’un d’autre, parce que c’est moi, c’est ce que j’ai à dire. Ce sont des choses importantes pour moi, ça me correspond, c’est une vie qui correspond à ma vie, à la scène, à la vie de chanteur que j’ai depuis quelques années. Avant, c’était très différent. Celle-là, elle est à moi, et je ne suis pas prêt à donner aux autres des chansons qui me ressemblent comme ça. D’ailleurs, il n’y aura pas de single. Un album, c’est une année de ma vie, un ensemble, ça ne se dissocie pas. La maison de disques y tient mais j’ai toujours demandé qu’on donne sa chance à l’album tel qu’il est. »
L’autre morceau emblématique de là où se trouve alors Michel Berger, c’est « Les princes des villes », comme il l’explique, tout à son enthousiasme. « Pour “Les princes des villes”, l’idée était de faire une chanson qui commençait en studio et qui finissait sur scène. Depuis deux ou trois ans, j’ai reçu un choc énorme qui a beaucoup changé ma façon d’écrire. Cette espèce de violence et en même temps ce rapport extraordinaire qu’on a avec les gens sur une scène, j’avais envie de le retranscrire dans
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