Quelque chose en nous de Michel Berger
à plusieurs reprises sur des plateaux de télévision à Paris. Malheureusement, lorsque Tim le rencontre, une cassette du titre prête à dégainer dans la poche, c’est dans une soirée très mondaine où Rod présente sa nouvelle épouse, Rachel Hunter. L’occasion ne se présente pas, et l’opportunité s’évanouit. Nous avons ensuite songé à Michael Bolton, chanteur à la voix puissante qui triomphait avec des reprises de classiques soul comme “The Dock of the Bay” et “When a Man Loves a Woman”, mais pour des raisons mystérieuses, il ne s’est rien passé. Nous avons alors sollicité Zucchero, qui avait l’avantage de nous ouvrir les marchés italien et allemand, et possédait une voix arrachée qui correspondait au désir de Michel d’entendre le morceau par Joe Cocker.
» Pendant ce temps, “Banlieue Nord” est devenu “Nobody Chooses”, pour lequel Michel souhaite une personnalité inquiétante et sombre comme doit l’être Johnny Rockfort. Il jette son dévolu sur Alice Cooper, artiste Sony. Je prends rendez-vous avec son manager à Los Angeles, mais malgré le soutien de sa maison de disques, il est en tournée, et trop occupé. Quefaire ? Je propose alors Willy DeVille, dont je réalisais l’album Backstreets of Desire pour Fnac Music chez qui il avait signé en exclusivité et sur lequel figurera notre version de “Hey Joe”, le plus gros succès de sa carrière. Michel était enthousiaste. Tim Rice beaucoup moins. Il faut dire qu’à l’époque, si Willy connaissait de beaux succès en France avec les albums Le Chat bleu et Victory Mixture, en Angleterre il ne s’était plus rien passé pour lui depuis “Spanish Stroll”, onze ans plus tôt. Muff n’était pas chaud non plus et Michel a vraiment dû se battre pour imposer sa participation. Je contactai donc Willy et sa femme manager Lisa à La Nouvelle-Orléans où il avait échoué dans le French Quarter. Le 1 er avril 1991, il est attendu au Hit Factory. Je suis avec Michel au Parker Méridien sur la Cinquante-sixième rue de Manhattan. C’était l’hôtel de choix de l’équipe pendant les séances new-yorkaises. Nous y vîmes débarquer un Willy DeVille habillé en gentleman-farmer louisianais, une canne à pommeau d’argent sculpté à la main et un large panama sur la tête. Vision insolite dans un hôtel de bon aloi au centre de New York, d’autant plus que tout le monde se souvenait de lui comme chanteur de Mink DeVille, citadin au possible, totalement imprégné de la culture de Spanish Harlem, soixante blocks plus haut. Il est extrêmement bien préparé, et le titre est en boîte en seulement quelques heures : “Personne ne choisit qui il est”, un leitmotiv auquel Willy pouvait certainement s’identifier.
» Pour “Les adieux du sex-symbol”, le casting est idéal : Veronica Yvette “Ronnie” Spector, la femme du plus grand Pygmalion de l’histoire du rock, Phil Spector, chanteuse des Ronettes. Elle était en plein come-back sous la houlette de son second mari, Jonathan Greenfield, de Steve Van Zandt et de BruceSpringsteen. Le playback a été enregistré à Paris, sa voix doit l’être à New York le 3 avril. La séance avec elle s’avère sacrément plus compliquée qu’avec Willy. De toute évidence, Ronne Spector avait à peine dû écouter le morceau avant de venir au studio et ne s’était pas rendu compte de la difficulté de la mélodie. À une époque où l’enregistrement numérique commençait à peine, où il n’existait pas de Pro-Tools, et pas de programme Auto-Tune pour rattraper les dégâts, il fallait vraiment assurer. Ce fut le combat le plus dur que j’aie vu Michel Berger mener en studio. Pendant plus de quatre heures, il dut d’abord faire apprendre à Ronnie la vraie mélodie, puis contrôler son vibrato, très excessif même si les mélodies de Michel les appellent, et lui donner les instructions nécessaires à l’interprétation de cette chanson à la fois nostalgique, cynique et tendre, qu’il fallait habiter avec une grande maîtrise. J’eus l’impression d’assister à un long combat de boxe, avec un Michel absolument déterminé à l’emporter aux points à l’issue du quinzième round. Un spectacle unique et incroyable auquel assister de l’autre côté de la glace de la cabine d’écoute d’un studio.
» Michel adorait également “Bette Davies Eyes”, la chanson de Jackie de Shannon et Donna Weiss chantée par Kim Carnes, au physique de
Weitere Kostenlose Bücher