Quelque chose en nous de Michel Berger
programmateurs des chaînes de radio qui font et défont les succès et les artistes aux États-Unis, grâce à l’influence irréfutable des 3 C : coke, chatte et champagne.
Bizarrement, une station de Portland, Oregon, KMJK, diffuse tout l’album, alors que les radios new-yorkaises sont curieusement réfractaires à ce disque qui leur était pourtant destiné. Il fut un moment question de faire appel aux deux poids lourds de la promotion, les célèbres Frank De Sipio et Joe Isgro, qui s’occupaient pour Columbia de Michael Jackson et de Bruce Springsteen, cruciaux pour les carrières des nouveaux artistes. Mais leurs tarifs et leur réputation sulfureuse ne convenaient pas à WEA. Le 2 avril 1983, « Innocent Eyes » grimpe jusqu’à la vingt-troisième place du classement « adulte contemporain » du Billboard , la bible de l’industrie américaine. « Mais le manque de soutien ne lui permet pas de se maintenir et l’album disparaît ensuite, victime de sa conception pluriculturelle et de son problème de référencement, regrette Rault : au magasin Tower Records de West Hollywood, il est rangé au département country, puisque Rosannechante le single ; ailleurs, il est classé à rhythm’n’blues parce que Bill Withers est le premier en action après l’ouverture instrumentale avec “Apple Pie”. Il eût fallu qu’Atlantic fasse un travail d’information beaucoup plus profond et sur la longueur pour faire comprendre aux radios américaines de quoi il s’agissait. Les ressources limitées pour la promotion et le fait que l’artiste dont le nom apparaissait sur la pochette, Michel Berger, n’était même pas sur le territoire américain pendant cette période (occupé à la préparation de l’album Débranche pour France) sonnèrent la fin des espoirs de succès.
» Michel essaya bien de raviver la flamme en tentant d’obtenir un budget de WEA International pour réaliser une longue vidéo qui illustrerait le concept de l’album, mais dont le budget (cent cinquante mille dollars) découragea même les plus enthousiastes, à une époque où MTV n’était qu’à ses tout débuts et ne diffusait ni country ni musique black, et où seule la radio faisait les tubes. En France aussi, la sortie en fut discrète, les interprètes américains n’étant pas disponibles pour la promotion et ne disposant pas d’une grande notoriété outre-Atlantique. Et Michel était déjà passé à d’autres projets. Il n’était pas homme à s’appesantir, ni à regarder en arrière. »
Il en est tout de même très amer lorsqu’il m’en parle en direct, emporté contre une industrie qui connaît le prix de tout, mais ne sait la valeur de rien. « Dreams in Stone, c’est caractéristique de l’attitude scandaleuse des maisons de disques, qui font passer le business avant les préoccupations artistiques. C’est quand même un manque de respect complet pour notre travail, un désintérêt pour la musique elle-même, sans laquelle elles n’existeraient pas, qui me dégoûte. Bill Withers a la caractéristique de ne jamais vouloir chanter autre chose que ses propres morceaux, maiscomme on avait un ami commun, il a accepté de chanter dans cet album pour faire enrager sa maison de disques, d’autant plus que c’est le single de mon album à moi. Il a écrit des paroles très violentes, et du coup on est interdit sur beaucoup de radios américaines. Par contre, on a eu de très bonnes critiques dans les colonnes country du Billboard : “Un très bon titre, chanté par la merveilleuse Rosanne Cash, sur l’album du formidable saxophoniste français Michel Berger !” Mais ensuite, on est tombé sur un énorme problème avec Rosanne Cash à cause d’un loupé d’Atlantic qui a balancé un single sans avoir rien signé avec Columbia. Du coup, on a obtenu pas mal de passages radio puis on s’est retrouvé avec ce blocage qui a plombé l’affaire alors que ça allait marcher très fort. »
Déception également pour de Bosson, qui s’est fortement investi dans le projet, comme à chaque fois. « Dreams in Stone n’était pas une commande des Américains, comme Michel aimait le penser, mais bien un projet que nous avions, lui comme moi, d’élargir l’horizon pour sa musique. Il rêvait d’Hollywood pour le cinéma. Il voulait viscéralement la revanche des Français sur les Américains. Il voulait porter la guerre chez eux. Et après le succès là-bas de Boublil et de Schönberg, ses amis, ses anciens
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