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Quelque chose en nous de Michel Berger

Quelque chose en nous de Michel Berger

Titel: Quelque chose en nous de Michel Berger Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Yves Bigot
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tombée dessus, ce fut surtout pour nous l’occasion de voyager, de gagner plus d’argent, et surtout de jouer et d’enregistrer en conservant le contrôle artistique total de notre production. Sinon, j’ai toujours insisté pour mener une vie normale. Je dois cela à mon enfance à Liverpool. Mes parents étaient ouvriers, une famille extrêmement ordinaire : pas d’argent, ni de voiture, aucun héritage possible. Quand on a touché nos premières redevances, j’ai observé comment vivaient les riches, et j’ai essayé de faire pareil ! Mais ça ne me procurait aucun plaisir, j’étais mal à l’aise. Depuis, je suis resté sur mes gardes : pas de chauffeur, pas de nounou. Les gens rêvent de l’existence dorée de Dallas ou de Dynasty, mais moi, je n’ai jamais pu m’y faire. Et c’est très dangereux : j’ai vu des gens déconnecter complètement et ne vivre que pour leur fortune. Moi, je prends tout le temps le métro… »
    C’est vrai, je l’y ai croisé à plusieurs reprises, à Londres, et pas seulement pour y tourner un clip.
    George Harrison, lui, ira jusqu’à changer de vie pour échapper à la starmania oppressante qui aura finalement raison des Beatles eux-mêmes. « Il m’a fallu pas mal de temps pour accepter d’être un acteur quotidien de l’actualité. On était si jeunes, transportés d’interviews en concerts, de studios d’enregistrement en plateaux de télé, sans jamais une minute poursouffler… ou réfléchir ! On subissait cet enthousiasme inédit, on rencontrait les esprits les plus brillants du siècle en étant considérés comme leurs pairs… et pourtant je ressentais un vide immense. C’est ce qui m’a poussé vers l’hindouisme. »
    Carlos Santana, pareillement disposé, a épousé lui aussi la philosophie de vie indienne. « Gamin, j’avais quatre maîtres : Miles Davis, John Coltrane, Bob Dylan et Muddy Waters. Mon but n’a jamais été la reconnaissance publique, même si c’est agréable, mais de tenter de me hisser au même degré d’excellence qu’eux. Seule compte pour moi la spiritualité de la musique. Et si elle a besoin d’une forte présence personnelle, elle s’accommode mal d’ambitions matérielles : ma seule récompense réside dans l’illumination de mon âme ! »

    Nous voilà loin du culte de la personnalité des stars de cinéma ou des dictateurs qui, les premiers, ont assouvi les besoins de la starmanie populaire des années trente et quarante. Avec la démocratisation de l’art et de la vie politique à travers la frénésie de consommation et une certaine démagogie, chaque jour les Stella Spotlight, Zéro Janvier, Sadia, Johnny Rockfort et Cristal de ce monde de chair et de rêves se sont multipliés pour devenir à leur tour les stars de leur profession, leur quartier, leur bistrot. À mesure que le plus grand nombre accède à ce type de reconnaissance et que le petit écran délivre seul de pathétiques légitimités s’accomplit la prophétie d’Andy Warhol : « Dans le futur, tout le monde sera célèbre pendant quinze minutes. »
    Dans ces conditions, rares sont les esprits qui résisteront à l’humiliation de rester parmi les anonymes, alors que la starmania elle-même aura ôté aux stars tout caractère exceptionnel. Ceux-là se reconnaîtrontsans doute en Marie-Jeanne, la barmaid de Berger et Plamondon, à laquelle le public s’identifie le plus volontiers, à Montréal comme à Paris. Ou s’approprieront le bon sens d’un John Mellencamp, ancien délinquant juvénile, transfiguré en chantre de l’Amérique silencieuse des petites villes du Midwest : « Je ne vais pas commencer à me prendre pour quelqu’un sous prétexte que je suis numéro un aujourd’hui. Je connais tout un tas de gens qui l’ont été plusieurs fois et qui, désormais, sont chauffeurs de taxi ou font la plonge pour survivre. »
    Plus forte est la starmania, plus dure sera la chute.

    Mais quittons le journal de Lionel Rotcage pour nous retrouver le soir de la première. Michel et Luc sont angoissés. Les réservations ne marchent pas très fort dans cette salle de la rue Blanche, dans le neuvième arrondissement, habituellement consacrée à l’opérette (la Grande Halle de la Villette convoitée n’offrait pas les disponibilités exigées). Mais, à une demi-heure des trois coups, Michel, qui est allé renifler la rue, revient, un peu marri : « Y a deux jeunes qui sont en train d’acheter des billets. » Un quart d’heure plus

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