Quelque chose en nous de Michel Berger
valeur médiatiqueest totalement indépendante du talent : les artistes, eux, créent par nécessité ; ils ne se “donnent pas une image”, ils sont, et donc ils ignorent jusqu’à la compromission. À leur place, on assiste à l’invasion de businessmen, déguisés en créateurs, qui répondent à la folle demande de nouvelles têtes. Avant, une nouvelle star naissait tous les dix ans ; maintenant, c’est toutes les dix minutes. »
Le drame, par conséquent, c’est que ces stars disparaissent au même rythme. « C’est ce qui en fait le prix, souligne Michel. Si tout le monde pouvait être star toute sa vie, ça n’aurait plus la même valeur. » Plamondon, de son côté, constate justement que c’est cette brièveté de statut qui est nouvelle et dangereuse. « Quand on y a goûté, on s’y accroche, comme à la drogue. En politique, par exemple, certains s’incrustent au-delà de la décence. Le plus terrible, c’est le destin des sportifs ou des chanteurs qui connaissent la notoriété très jeunes et qui doivent continuer à vivre ensuite dans l’anonymat. »
Ce dossier de Rolling Stone s’enrichit ensuite de toute une série de témoignages annexes, mais extrêmement pertinents, sur le phénomène de l’emballement médiatique étudié par Plamondon et Berger dans Starmania , qui ne cesse de prendre de l’importance et de déborder sur tout type d’activité, de Michel Platini à Michel Rocard, en passant par Paul McCartney, George Harrison, Huey Lewis et Carlos Santana. Le premier n’imagine visiblement pas à ce stade ce que sera son destin de futur président de l’UEFA : « Ce qui est difficile, ce n’est pas de décrocher, c’est de perdre le contact avec le public. Dans quelques années, je commencerai à perdre mes cheveux, à grossir, et les gens ne me reconnaîtront plus. On se souviendra de moi, mais moi, j’aurai changé. » Amusé, il est encore surpris d’avoir rencontré le chanteur qu’il admiraitado : « Il y a cinq ans, j’étais très intimidé en rencontrant Lenorman, mais c’est lui qui m’a demandé un autographe ! J’étais rempli d’admiration, et je me suis aperçu qu’à ses yeux c’était moi qui comptais. »
Le deuxième, récent Premier ministre, conçoit une certaine difficulté à s’ajuster à la pression de l’image. « On le perçoit physiquement très fort. C’était pour moi une découverte, car j’ai eu dix ans en 1940 et j’étais un enfant de l’Occupation : la notoriété ne voulait rien dire du tout alors. Quand on se permet d’importuner le monde en étant présenté souvent, en pénétrant chez lui par effraction dans d’étranges lucarnes, il faut une grande authenticité pour le mériter. Mais, en même temps, la télévision est un instrument admirable. Il n’y a pas de démocratie là où il n’y a pas de liberté de la presse : l’image est donc partout, pour le meilleur et pour le pire, mais c’est la langue des hommes et donc une donnée de fait. Ma critique va à ceux qui s’installent dans ce système pour n’en favoriser que les apparences ; ce ne sont pas les gens célèbres qui m’intéressent, mais ce pourquoi ils le sont devenus… J’ai découvert que dès qu’un problème devient symbolique il se complique et devient beaucoup plus difficile et problématique à traiter. Mais le symbolique est un besoin de la communication médiatique, donc il y a deux métiers : il faut gérer les affaires, faire rentrer les impôts, fonctionner la justice, l’éducation, la police, assurer les relations extérieures, minimiser le chômage autant que faire se peut, et puis il y a le métier de la navigation dans le symbolique, et ce sont deux métiers qui ont tendance à s’éloigner gravement l’un de l’autre… Pour les politiques, il n’est plus de jugement sur la gestion : tout se passe comme si le chômage ou le système scolaire n’avait pas d’importance, ce qui est intolérable. Mais le fait qu’on est bonà la télé est beaucoup plus efficace électoralement, et là on confine aux limites du bon fonctionnement de la démocratie. Il faut à la fois faire profession de gestion et de starmania . »
Paul et George, eux, ont connu la Beatlemania à vingt ans, le plus phénoménal et fulgurant engouement de l’histoire de l’humanité, ainsi que le délire qui s’est ensuivi de 1963 à 1970. « Il fallait le vivre pour le croire, raconte le premier. Quand cette célébrité sans précédent nous est
Weitere Kostenlose Bücher