Quelque chose en nous de Michel Berger
heurter les locations, Michel embarque France dans le projet. Tom O’Horgan et toute son équipe, qui refusent d’introduire un nouveau personnage dans l’histoire au dernier moment, se braquent. Michel les vire à deux jours de la première, et impose sa femme, qui va faire de l’ombre aux autres interprètes. Il apparaîtra même, exception à leur règle d’or de séparation médiatique, avec elle en couverture de Jours de France daté du 21 avril pour assurer la promotion de son opus majeur.
La première représentation a lieu le 10 avril, occasion de découvrir cette fable moderne, inspirée à la fois par West Side Story, Orange mécanique, Metropolis, Batman, Le meilleur des mondes, Roméo et Juliette, Sunset Boulevard, Phantom of Paradise, Tommy, Ziggy Stardust and the Spiders From Mars, concomitante de The Wall de Pink Floyd, avec lequel elle partage aussi une ou deux thématiques communes.
« Cette histoire d’amour et de mort est un prétexte pour vous présenter une galerie de personnages qui symbolisent un peu l’univers dans lequel nous vivons, où l’argent, le sexe et la violence sont au pouvoir », écrit Plamondon dans le programme. What else is new ? pourrait-on lui rétorquer. Sauf qu’il poursuit. « La Starmania est devenue la maladie du monde. Chacun se bat pour faire briller son étoile. L’universest un gigantesque Star System où notre petitesse n’a d’égale que notre ambition. À quoi sert de vouloir être si beau, de vouloir monter si haut, c’est là toute la question. » Shakespeare aurait pu prendre la suite.
Michel Berger se veut – comme toujours – plus positif, McCartney de ce Lennon. « Pour échapper à l’univers anonyme de demain, il n’y a que notre besoin d’amour, mais il est immense et c’est lui, bien sûr, qui est aussi le moteur de tous les auteurs et participants à ce spectacle. »
Résumons-en l’intrigue. Monopolis est terrorisée par les Étoiles Noires de Johnny Rockfort, sous l’influence de Sadia, étudiante bourgeoise qui se travestit pour descendre les rejoindre la nuit dans les souterrains qui sillonnent la ville (compromis entre Montréal et Gotham City). Elle dispense ses ordres à l’Underground Café où travaille Marie-Jeanne, serveuse rêveuse amoureuse de Ziggy, disquaire gay. Au sommet des cent étages de la Tour Dorée, le milliardaire Zéro Janvier brigue la présidence du pays en prônant le retour à l’ordre face à la délinquance, et l’avènement de la technologie atomique. Ce faisant, il s’oppose à Johnny et à son adversaire politique, le Grand Gourou baba, bientôt hégémoniaque à son tour. Trois histoires d’amour se développent parallèlement : celle, impossible, de Marie-Jeanne et Ziggy ; de Janvier et la star hollywoodienne Stella Spotlight, qui annonce sa retraite du cinéma ; enfin celle, centrale, de la star de Télé-Capitale, Cristal, et de Johnny le voyou.
Sadia propose à cette dernière le scoop que constitue l’interview de Johnny dont tout le monde ignore jusqu’au visage. Mais, à l’Underground Café, c’est le coup de foudre entre Cristal et lui. Ils s’enfuient ensemble, profitant de ce que Cristal pirate les ondes de la télévision. Sadia, jalouse, les dénonce à ZéroJanvier au moment où il célèbre son union avec Stella Spotlight au Naziland. Ses troupes pourchassent alors les Étoiles Noires et abattent Cristal cependant que Janvier remporte l’élection. Dégoûtées, Marie-Jeanne et Stella s’abandonnent à leurs destins respectifs.
Même s’il remporte un certain succès, ce n’est pas le spectacle de Starmania qui va lui conférer son statut. Ce sont les chansons de Michel Berger et Luc Plamondon. « Les uns contre les autres » est un tube, « Le blues du businessman » va devenir un classique, repris notamment par Nicole Croisille, Bernard Tapie, Michel Drucker et Céline Dion. Ce sera aussi le cas au fil du temps de « Quand on arrive en ville » (Balavoine), « La complainte de la serveuse automate » (Maurane), « La chanson de Ziggy » (Céline Dion), « Les adieux d’un sex-symbol » (Diane Dufresne), « Besoin d’amour » (France Gall), « SOS d’un Terrien en détresse » (Balavoine, Peter Kingsberry, Grégory Lemarchal), « Le monde est stone » (Fabienne Thibeault, Cyndi Lauper, Céline Dion, Garou). Tous ces morceaux passent en boucle sur les antennes, sont chantés à la télévision, jusque chez les Enfoirés et, plus tard, à la « Star Academy »
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