Quelque chose en nous de Michel Berger
et dans The Voice .
Dix ans après sa création, l’aura de Starmania n’a cessé d’augmenter, mais moins que sa pertinence. À la rentrée 1988, Michel Berger et son attachée de presse Geneviève Salama m’invitent à assister aux dernières répétitions de la nouvelle production au Théâtre de Paris. Janik Top et Serge Pérathoner sont aux commandes de la musique, moins symphonique et plus électronique, pour accommoder tout à la fois le son de l’époque et la taille de la salle comme du budget. « Avec Luc, ils ont tout reformaté. L’original durait deux heures trois quarts, voire plus, avec despetits bouts de musique de vingt ou trente secondes çà et là, tout un orchestre, c’était d’une richesse incroyable. Là, ils ont tout recadré en deux fois une heure, avec une dramaturgie resserrée. On a tout fait sur informatique avec des synthés, des samples, c’était assez gonflé. Je croyais que ça allait prendre deux mois, en fait on en a mis cinq. On jouait en direct sur programmations informatiques, un sacré challenge. »
Nous passons tout un après-midi installés sur les fauteuils rouges, au cours duquel j’interviewe les principaux acteurs de l’aventure, notamment à destination d’un dossier pour le magazine Rolling Stone que j’établis avec la rédactrice en chef, Dominique Dreyfus. Le voici, tel que publié dans le numéro 9.
Remanié par ses auteurs qui en ont épuré le propos et renforcé la dramaturgie, Starmania (version 1988) , présenté à partir du 15 septembre au Théâtre de Paris, réunit une troupe composée de non-vedettes : la Bruxelloise Maurane sera Marie-Jeanne, la serveuse automate au regard serein et incrédule ; Sabrina Lory incarnera Stella Spotlight, la stripteaseuse d’âge mûr qui ne sait pas si elle doit se caser ou s’éclipser ; Renaud Hantson (l’ancien batteur des Satan Jokers et des Stocks) sera Ziggy, le bowiemaniaque ambigu ; Luc Lafitte assurera la narration dans le rôle de Roger Roger, le présentateur du JT ; les Québécoises Martine Saint-Clair et Wenta se disputeront les faveurs de Norman Groulx, qui tentera de faire oublier Daniel Balavoine dans la peau de Johnny Rockfort, le terroriste. C’est Richard Groulx qui sera Zéro Janvier, le cauchemardesque maître de la ville.
Mais là où Starmania semblait jusqu’alors n’être qu’une fantasmagorie stylisée sur fond de romance et de violence urbaine, aujourd’hui on constate l’accomplissement de sa prophétie essentielle : un (mauvais)acteur, Ronald Reagan, est devenu l’homme le plus puissant de la planète. Et un chanteur yéyé raté (trois 45 tours chez RCA), Bernard Tapie, a donné sa réalité au personnage d’homme d’affaires charismatique, frappant tous azimuts jusqu’à entrer en politique, cultivant la starmania en reprenant devant les caméras de « Champs-Élysées » « Le blues du businessman (J’aurais voulu être un artiste) ».
« Ce qui a changé, constate le Québécois Luc Plamondon, auteur du livret, c’est la plus grande importance de la télévision. En entrant dans les foyers, elle a rendu banals des êtres jusque-là inaccessibles. Les stars ne sont plus ces quelques rares personnages d’exception qu’étaient les acteurs hollywoodiens, mais des vedettes de séries télé ou des présentateurs d’émissions. De plus, chacun y a accès en permanence. Et les téléspectateurs sont devenus aussi starmaniaques que les stars elles-mêmes. Car au désir maladif d’être star s’ajoute celui (par défaut) de les fréquenter : chacun en veut une à table ou dans ses relations. On espère les voir, les toucher, leur parler. »
Michel Berger, lui, vient d’être témoin du formidable pouvoir de pénétration des foyers qu’offre le petit écran : grâce à un simple vidéoclip, et sans bouger de chez elle, France Gall a conquis cet été les hit-parades européens, comme l’ont fait Michael Jackson et Madonna depuis les États-Unis. « Comme si les gens n’existaient que du moment où ils passent à la télé. Même le candidat anonyme d’un jeu télé s’en trouve magnifié », explique Michel Berger. « On en est au point où le service après-vente est capital pour les artistes. Et si le look est crucial pour les chanteurs et les comédiens, pour toutes les autres catégories il le devient aussi : aujourd’hui, la qualité de la prestation d’un écrivain à “Apostrophes” dépasse presque celle de son ouvrage ! Mais, bien sûr, la
Weitere Kostenlose Bücher