Qui ose vaincra
dans la ferme qu’ils s’occupent à piller.
En deux mots, Munoz met
Zeller au courant des renseignements qu’il a reçus de la pauvre femme qui s’est
recroquevillée sur un tabouret, et qui, consciente de la gravité de son acte, pleure,
la tête enfouie dans ses mains.
« Combien sont-ils ?
questionne Di Constanzo.
— Y a qu’à demander
à la vieille. Moi, j’en sais rien, réplique Munoz.
— Tu as entendu ?
jette Zeller à la fermière. Combien sont-ils ? »
La mère Kerhervé lève la
tête et crache, sans l’atteindre, dans la direction du traître. Zeller lui
assène une gifle violente.
« Combien sont-ils ?
reprend-il hargneusement. Où se trouve leur sentinelle ? »
La fermière ne répond
pas, elle s’agenouille sur le sol et se met à prier.
Dans l’âtre, des bûches
se consument doucement. Di Constanzo trouve un tisonnier et le bloque entre
deux billots de manière à ce que son extrémité soit léchée par les flammes.
Munoz, d’un échange de
regard, fait part de sa compréhension et de son approbation.
« Tu ferais mieux
de parler, salope ! poursuit Di Constanzo. Sans ça on va t’enfoncer le
tisonnier rougi dans le cul. »
Il déclenche parmi les
miliciens quelques rires niais.
« Pas dans le cul, elle
est capable d’aimer ça, cette morue », lance une voix.
Cette fois, l’hilarité
est générale.
Di Constanzo se saisit d’un
torchon dont il se protège pour ne pas se brûler la main, et constate que l’extrémité
du tisonnier est chauffée au rouge. Saisissant la fermière par les cheveux, il
lui relève la tête et brandit sous ses yeux le fer incandescent.
« Combien sont-ils ?
Où est la sentinelle ? » répète-t-il.
La fermière regarde sans
faiblesse le fer et l’homme. Puis elle lève les yeux vers le ciel et déclare
sur un ton de litanie :
« Vierge Marie, aidez-moi !
Je ne trouverai jamais la force de pardonner à cet homme. »
Sans hésitation, Di
Constanzo applique le fer sur l’épaule de la femme. La faible épaisseur de la
blouse rugueuse brûle instantanément, puis la peau éclate dans une effroyable
morsure, et l’odeur âcre de l’épi-derme grillé se répand dans la pièce.
La suppliciée perd
connaissance. Le milicien lâche ses cheveux, elle s’écroule comme une pitoyable
poupée de son.
« Bon, on perd son
temps, constate Di Constanzo sans émotion. Allons-y, on verra bien. De toute
façon, ils ne sont pas plus d’une dizaine. »
Le feu est ouvert sans
sommation sur les joueurs de belote. Les miliciens sont parvenus à se glisser à
moins de dix mètres du camp. Decrept, Galliou et Collobert sont tués sur le
coup. Pinci roule sur lui-même, s’abrite dans les broussailles.
Le lieutenant de
Kérillis se dresse, Colt au poing.
Avant d’avoir pu tirer, il
reçoit une balle dans le ventre, lâche son arme et s’écroule. Harbinson et
Perrin sont grièvement atteints avant d’avoir pu tenter la moindre riposte. Le
lieutenant Fleuriot est resté allongé, impuissant.
À quelques mètres en
retrait, Crœnne qui vient de terminer le pansement de Terisse, ce dernier et
Pams parviennent à décrocher. Le blessé a son pied à nu, Pams est en chemise, seul
Crœnne est revêtu de son uniforme complet, mais aucun des trois n’a la moindre
arme. Terisse a du mal à suivre, il boite bas, déchire son pansement.
« Tu veux qu’on te
porte ? interroge Crœnne sans ralentir.
— Ça va, filez
devant, je vous rejoindrai.
— Tu parles, comme
on va te laisser ! De toute façon, je ne pense pas qu’ils nous aient
remarqués, je crois qu’on est sortis de l’auberge. »
Plus lentement, soutenant
leur compagnon blessé, les trois parachutistes poursuivent leur fuite aveugle à
travers l’épaisse forêt.
Autour du camp il ne
reste plus un seul homme en état de presser la détente d’une arme. Jusqu’à l’ultime
extrémité, les S.A.S. ont riposté, mais ils n’ont réussi qu’à tuer un milicien,
à en blesser deux autres.
« Transportez les
morts et les blessés ! gueule Di Constanzo. On va ramener son mari et son
fils à la vieille. »
Le père Kerhervé est
mourant, le fils est moins grièvement atteint.
Blessés et morts sont
portés sans ménagement et jetés devant la ferme. La mère Kerhervé a repris
connaissance. Pâle et digne, elle s’approche de son mari qui expire sous les
yeux de son fils. Elle s’agenouille et pose la tête de son vieux compagnon
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