Qui ose vaincra
sur
ses cuisses. Son regard se porte sur Alain de Kérillis. Le lieutenant s’est
traîné sur quelques mètres et se trouve assis, le dos reposant contre le mur de
la ferme, les mains crispées sur son ventre. Le sang coule doucement entre ses
jointures, mais, hélas ! Ainsi que le lieutenant Fleuriot, il est parfaitement
conscient.
La fermière voudrait
parler, mais l’émotion étrangle les sons dans sa gorge. Kérillis a remarqué la
plaie à vif, la blouse brûlée.
« Ils vous ont
torturée, les misérables, ânonne-t-il faiblement.
– Non !… lance la fermière
dans un cri de désespoir. Non, ils m’ont trompée. »
De son bras tendu, elle
désigne Munoz dans son uniforme anglais.
« Quand ils m’ont
brûlée, je n’ai plus rien dit ! Je le jure sur la Vierge, sur mon fils et mon
mari qui vont mourir.
– Je vous crois, madame.
Pardonnez-moi d’avoir douté, marmonne Kérillis.
– Alors, on les
« sèche » ? gueule un milicien impatient.
– On les garde et on les
soigne, réplique Zeller. Ils savent des choses qui nous intéressent. »
Di Gonstanzo inspecte
l’état des blessés avant d’ordonner :
« On ne garde que
les deux officiers. Si on trimbale les autres, ils vont nous caner dans les
doigts. Foutez-moi le feu à la baraque et aux granges. »
Une dizaine de miliciens
s’engouffrent dans les bâtiments. Très vite une épaisse fumée s’échappe des
issues, puis les premières flammes apparaissent. De Kérillis et Fleuriot sont
traînés à l’écart.
« Balancez-moi tout
ce qui traîne au feu », ajoute Di Constanzo.
Les morts et les blessés
sont aussitôt précipités dans la ferme qui, très vite, n’est plus qu’un
gigantesque brasier.
Alertés par les coups de
feu, deux camions allemands arrivent ; une trentaine de soldats de la
Wehrmacht en descendent sous le commandement d’un sous-officier et rejoignent
les miliciens. Le sous-officier assiste au dernier assassinat – seul le fils
Kerhervé a échappé au supplice. Transporté par ses deux bourreaux, Harbinson a
le temps de leur crier : « Charognes ! », avant d’être
projeté dans un mouvement de balancement.
Les deux miliciens se
retournent et s’éloignent en courant, pour éviter les effets de l’asphyxiante
chaleur. Quand l’un d’entre eux découvre le Feldwebel allemand, il arbore à son
égard un sourire niais. Dans un mélange de crétinisme et de morgue, il donne l’impression
de mendier une connivence malsaine.
Cette grimace provoque
chez l’Allemand une réaction furieuse et incontrôlée. Se servant de son lourd
fusil Mauser comme d’un bélier, il porte de toutes ses forces un coup de crosse
à la face ahurie du milicien qui se renverse en arrière, le nez fracassé, un œil
crevé, la pommette éclatée.
En allemand, Zeller
intervient, sans colère :
« Ne vous emportez
pas, et surtout ne m’obligez pas à faire un rapport. »
Le Feldwebel désigne d’un
geste les deux officiers blessés :
« Que comptez-vous
en faire ?
— Les interroger. Ils
savent beaucoup de choses qui peuvent nous aider à anéantir le reste de leur
unité.
— Confiez-les-moi. Ils
seront soignés et interrogés par mes services.
— Pas question, mon
vieux ! Ils vous déclareraient leurs noms et leurs numéros matricule et
rien d’autre. Faites la guerre comme vous l’entendez… Le renseignement, c’est
nous que ça regarde.
— Vous êtes un beau
tas d’ordures ! jette le Feldwebel.
— Maintenant, ça
suffit ! intervient, hargneux, Di Constanzo. Foutez-moi la paix. Nous dépendons
de la Gestapo de Pontivy. Si nous faisons un rapport sur l’incident, vous savez
ce qui va vous arriver. Alors, tirez-vous et fermez vos gueules. De notre côté,
on s’étouffera. »
L’Allemand crie un ordre.
Ses hommes regagnent leurs camions qui font demi-tour et s’éloignent.
« La vieille et le
gosse, qu’est-ce qu’on en fout ? interroge Zeller.
— Laisse-les. Le
gosse va crever. Que la vieille aille raconter ses histoires, ça incitera les
autres bouseux à se méfier. »
Du haut d’une colline, à
quelques kilomètres seulement, Crœnne, Pams et Terisse ont trouvé refuge dans
un hameau. Ils regardent, accablés, l’épaisse fumée qui s’élève, lugubre et révélatrice,
de la ferme Kerhervé.
Les lieutenants de
Kérillis et Fleuriot sont transportés dans les locaux de la Gestapo de Pontivy.
Pendant trois semaines, chaque
jour et
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