Qui ose vaincra
3 e S.A.S., monsieur, déclare le colonel
anglais. Vous vouliez lui transmettre personnellement son ordre de mission. »
Eisenhower plisse le
front, cherche à se souvenir, puis on sent qu’il réalise. Il tend sa main
ouverte au capitaine français et déclare, souriant :
« Oui, oui, content
de vous voir, mon vieux. Je pensais avoir le temps de vous expliquer tout ça
moi-même, mais hélas ! tout évolue si vite ! Voyez mon chef d’état-major,
il est au courant. Et bravo à vous tous. Beau régiment, beau travail d’équipe, du
solide, de l’efficacité. Bravo, mon vieux.
— Merci, mon général »,
balbutie Fournier, qui pense que ces louanges doivent être destinées à ses
compagnons plutôt qu’à lui, qui fait le pied de grue dans un camp depuis le
jour J.
Après une nouvelle
demi-heure, Fournier est introduit dans le bureau d’un nouveau colonel. L’officier
français juge instantanément que son interlocuteur n’est pas plus chef d’état-major
que lui Nonce Apostolique.
L’officier américain est
un géant roux du style décontracté dont le rôle doit être précisément d’essuyer
les plâtres. Les deux officiers escorteurs prennent congé. Fournier explique
son histoire qui semble beaucoup divertir le rouquin.
« Vous me paraissez
assez intelligent pour comprendre, annonce-t-il. Le patron est comme ça. Quand
une lubie capricieuse le prend brusquement, il faut immédiatement tout mettre
en branle pour satisfaire son projet. Ce qu’il y a d’emmerdant, c’est que le
lendemain il court généralement après un autre lièvre sur lequel il s’acharne
avec la même opiniâtreté.
— Je ne connaissais
pas ses méthodes, je ne me sens aucun droit de les discuter, mais dans l’ensemble
elles ne semblent pas manquer d’efficacité. »
Le sourire du rouquin
découvre une vigoureuse denture de carnassier.
« Oui, bien sûr, admet-il,
le débarquement de Normandie ! Mais ne le répétez pas, heureusement que j’étais
là le 5 juin pour le lui rappeler ! »
Fier de sa plaisanterie,
le colonel éclate d’un rire sonore. Par contre, le sourire de Fournier n’est
que courtois.
« Évidemment, vous
n’êtes pas ici pour plaisanter. Bon. Attendez-moi, je vais essayer d’aller voir
s’il a fini les mots croisés du Times. »
Le colonel sort, referme
sur lui la porte qu’il rouvre aussitôt.
« Vous m’avez bien
dit que votre unité était parachutiste ?
– 3 e S.A.S.,
précise Fournier qui, dans son exposé, à le spécifier à cinq ou six reprises.
— C’est bien ce qu’il
me semblait. Ne vous impatez pas. »
Fournier reste seul à
peine un quart d’heure. Le colonel réapparaît, triomphant.
— Il s’est souvenu
de tout, vous avez une chance exceptionnelle. On est en train de vous établir
un ordre mission. Un double va partir par câble codé à l’Intelligence Service. Vous
pouvez dire que vous êtes verni !
— Pourrais-je
savoir ? interroge Fournier soudain passionné.
— Bien sûr, bien
sûr. »
Le colonel se dirige
vers une grande carte de France, son regard se porte du côté du Ballon d’Alsace.
Il ajoute :
« Vous avez entendu
parler d’un département français qui s’appelle Vendée ? Ou quelque chose
comme ça ? »
Fournier désigne du
doigt. Le colonel accuse une mimique admirative devant l’étalage de tant de
science.
« Parfait, poursuit-il,
c’est là que votre unité va sauter.
— Où exactement ?
— Où vous voudrez.
— Quand ?
— Quand vous
voudrez.
— Et une fois à
terre, que suis-je censé faire ?
— Ce que vous
voudrez.
— Écoutez, colonel,
vous m’amusez énormément, mais j’aimerais quand même que vous vous montriez
sérieux, ne serait-ce qu’une minute.
— Mais, mon vieux, je
n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie. C’est ça l’idée du Patron. Depuis qu’on
expédie des commandos parachutistes en France, ils ne tombent jamais à l’endroit
prévu, ne réalisent jamais les missions prévues. Par contre, dans la plupart
des cas, ils réussissent, dans d’autres coins, des missions improvisées qui s’avèrent
souvent plus efficaces que celles qu’on leur avait assignées. En conséquence,
vous allez inaugurer un nouveau système : celui qui consiste à vous
laisser carte blanche sur tous les points.
« Votre seul
objectif est de créer le chaos chez l’ennemi. Bonne chance, mon vieux. »
Un sous-officier entre, porteur
d’un ordre
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