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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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étaient occupés
    à piller ; ils entassaient, dans cinq camions, des draps, des victuailles,
    des boissons. Ils étaient en tout une soixantaine de retardataires, le reste
    des deux compagnies ayant quitté la ville une heure avant en direction de Brest.
    Sans ralentir, Thomé
    fait le tour de la place. Des dents il a dégoupillé sa grenade et, conduisant d’une
    seule main, l’a jetée dans les pieds d’un quatuor de sous-officiers qui, en
    courant, cherchaient un abri.
    Guichard et Klein n’arrêtent
    pas. Ils dégoupillent, lancent, dégoupillent, lancent.
    La voiture fait trois
    fois le tour. Les grenades explosent à une vertigineuse cadence. La surprise a
    été telle que pas un des Allemands n’a la moindre réaction de riposte. Tous
    agissent dans le même réflexe : se mettre à couvert ou fuir.
    En moins de deux minutes,
    il ne reste plus sur la place de Landerneau que des morts et des blessés. Tous
    les hommes valides se sont évanouis dans les rues voisines.
    Thomé ralentit
    progressivement. Un camion démarre lourdement, une dizaine de survivants se
    sont entassés sous la toile du plateau. Guichard réussit un prodigieux jet de
    grenades. À plus de dix mètres, le projectile voltige au-dessus de la bâche et
    explose sur le capot. Le pare-brise éclate, le moteur s’enflamme, le réservoir
    se répand, le camion s’embrase.
    Thomé arrête la Mercedes.
    Attentifs, mitraillette au poing, les parachutistes observent. Un silence
    insolite et pesant s’est abattu sur la grande place, puis un cri déchirant se
    fait entendre : un blessé hurle sa douleur.
    « Tu as la
    pharmacie ? interroge le lieutenant.
    — Évidemment.
    — Va lui faire une
    morphine, je te couvre, je ne peux pas supporter ça. »
    Prudemment, le doigt sur
    la détente, Klein s’approche de l’homme qui geint. Le S.S. a des éclats dans la
    cuisse, son sexe est déchiqueté, son ventre atteint. Lorsqu’il aperçoit le
    sergent qui s’approche, il pense qu’il va être achevé. Il hurle :
    « Nein ! »
    Klein rectifie la
    position de son arme et tente de faire comprendre qu’il n’a pas d’intention
    belliqueuse, un genou à terre, il ouvre le sac à pharmacie, en extrait une
    petite lancette de morphine, la montre au blessé en bafouillant : « Gut,
    gut ! »
    Le S.S. se rassure un
    peu. Mais sa panique reprend lorsque Klein dégaine sa dague de commando. Il
    répète :
    « Nein ! Nein ! »
    Klein en a assez. Il
    gueule en français sans se faire comprendre :
    « Mais tu vas pas
    la fermer, pauvre con ! C’est pour couper ta manche. »
    Pour y parvenir le
    sergent est contraint d’attraper le poignet du mourant et de le lui maintenir
    au sol. Klein fend la manche sur toute la longueur, fait une piqûre, soulève de
    sa main ouverte la tête du blessé, de l’autre il enlève le foulard de soie de
    parachute qu’il porte noué autour de son cou, et essuie doucement le front et
    les yeux du soldat, les joues déjà ternes sur lesquelles les larmes se mêlent à
    la sueur.
    Un cadavre gît à
    cinquante centimètres. Klein l’attrape par son ceinturon et le tire à lui, puis
    cale confortablement la tête du mourant sur la cuisse du mort. Il examine
    ensuite la blessure, et hoche la tête :
    « Mon pauvre vieux,
    dire que tu avais peur que je te bute ! Je t’aurais rendu un fameux
    service ! »
    Il fait une seconde morphine
    et rejoint la Mercedes. « Ça va, il est sage ? s’enquiert Thomé.
     
    — C’est dégueulasse,
    mon lieutenant. Il a ramassé un détonateur dans les couilles. On gueulerait à
    moins. »
    Guichard fait une
    grimace ; instinctivement il porte les mains à son sexe.
    « Qu’est-ce qu’on
    fait, maintenant ? On taille la route ?
    — Attendons encore
    un peu. Je pense que les sentinelles à l’entrée ont foutu le camp avec les
    autres, mais je préfère m’en assurer. »
    Le silence est
    maintenant absolu. Une porte qu’on entrouvre prudemment fait grincer ses gonds
    fatigués. Un petit bonhomme rondouillard apparaît, circonspect. Il jette à
    droite et à gauche des regards scrupuleux, puis, rasséréné, se ceint d’une
    écharpe tricolore et avance vers la Mercedes.
    « Je suis l’adjoint
    de l’adjoint au maire, explique-t-il à Thomé. En leur absence, j’assume leurs
    fonctions. »
    Le ton est solennel. Brusquement
    il change : le petit homme tend ses petits bras grands ouverts et crie de
    toutes ses forces :
    « Bienvenue à nos
    libérateurs ! » Thomé et ses hommes en

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