Qui ose vaincra
restent pantois. Sur la place,
des volets et des fenêtres s’ouvrent, des drapeaux français apparaissent, des
cris fusent : « Vive la France ! » « Vivent nos
libérateurs ! » « Vivent les parachutistes français ! »
Thomé sort du véhicule
sur lequel maintenant des fleurs pleuvent. Une adolescente se précipite et l’embrasse
sur les joues. Derrière, Guichard en embrasse une seconde à pleine bouche. Soudain
Thomé éclate de rire et déclare à ses hommes :
« Vous savez ce qu’on
vient de faire, les gars ? On vient de libérer Landerneau ! »
Sur la citation du
lieutenant Thomé, lorsqu’il fut, quelques mois plus tard, promu chevalier de la
Légion d’honneur, le général de Gaulle avait fait figurer – entre autres
faits d’armes – : « A la tête de sa compagnie, a libéré la ville de
Landerneau, occupée et tenue par deux compagnies d’élite ennemies. » Le général
ignora toujours que la compagnie en question se composait d’un effectif de deux
hommes : le sergent Lucien Klein et le caporal Guy Guichard.
SEPTIÈME PARTIE
CROIRE ET OSER
40
Après la libération de
Vannes, l’ensemble de la Bretagne retrouve la liberté à l’exception des deux
poches de Saint-Nazaire et Lorient.
À Vannes, les survivants
du 2 e R.C.P. se regroupent autour de leur chef Pierre Bourgoin. Le « Manchot »
vient d’être promu au grade de lieutenant-colonel.
Une équipe de huit
hommes est partie pour l’Angleterre avec comme mission de convoyer une
cinquantaine de jeeps spécialement conçues par les S.A.S. et pour les S.A.S.
Selon la méthode
Stirling, les véhicules sont équipés de deux mitrailleuses d’aviation Vickers, fixes
et jumelées à l’avant, et d’une mitrailleuse à l’arrière.
Les parachutistes de la
France libre doivent se motoriser, car une nouvelle forme de combat les attend.
Une fantastique métamorphose
a transformé la physionomie des S.A.S. Elle est due en grande partie au fait
que de traqués, les parachutistes vont devenir chasseurs. Le braconnage va se
muer en chasse à courre.
Du coup, une confiante
décontraction, un sentiment de puissance et d’invincibilité planent sur l’ensemble
du bataillon que renforce encore l’arrivée des nouveaux véhicules.
En quittant Vannes, les
hommes partent pour ce qu’ils nomment eux-mêmes « la guerre fraîche et
joyeuse ».
Ils connaissent tous
leur nouvelle affectation en territoire libéré par les Alliés : le long de
la Loire, sur sa rive nord.
Hélas ! l’hallali
escompté va réserver de tragiques surprises. Plus de deux cent mille Allemands
se trouvent, en effet, au sud de la Loire, pris dans les mâchoires d’une gigantesque
tenaille. Venant du Sud, les Alliés – qui ont débarqué en Provence le 15 août
1944 – les refoulent devant eux, dans de furieux combats. Au nord du fleuve, les
Alliés les attendent.
Ces corps d’armée
ennemis sont représentés par toutes les armes. Il y a, dans ce flux humain, des
S.S., des parachutistes, de la Wehrmacht, des marins, du train des équipages, de
l’administration. Il y a surtout la 1re Panzer Division, baptisée par
les Alliés « la division fantôme » et qui parviendra à glisser entre
leurs mains.
Les chefs et les hommes
de ces unités sont partagés en deux fractions à peu près égales : la
moitié d’entre eux, harassés, déprimés, écœurés, cherchent à se rendre dans les
meilleures conditions possibles ; l’autre moitié veut tenter, coûte que
coûte, d’effectuer une percée dans l’espoir de rejoindre l’Allemagne par la
trouée de Belfort, afin de poursuivre le combat.
Le partage ne s’établit
pas, comme on pourrait le penser, de façon logique – c’est-à-dire les corps d’élite
optant pour la percée, les autres pour la reddition. Non. Le fractionnement des
pour et des contre s’effectue au sein de chaque unité, et il en résulte une
situation dangereuse et confuse, car, pendant près d’un mois, chaque fois que
les parachutistes se trouveront face à l’ennemi, ils ignoreront dans quel état
d’esprit celui-ci se trouve…
Le 1 er septembre, en fin de soirée, la longue colonne de jeeps arrive à Briare, grosse
agglomération située en bord de Loire.
Bourgoin fait stopper le
convoi à l’entrée du bourg et dirige son véhicule à travers les rues étroites. Les
habitants l’acclament. Il se renseigne ; rapidement le Manchot trouve le
meilleur hôtel
Weitere Kostenlose Bücher