Qui ose vaincra
dans lequel il décide installer son poste de commandement.
L’hôtel de la Poste se
trouve dans la rue principale, à quelques centaines de mètres de la Loire et du
pont-canal. Bourgoin réquisitionne l’établissement, envoie son chauffeur
prévenir tous les officiers qu’il tiendra un briefing à 19 h 30 et qu’en
attendant ils trouvent à loger leurs hommes.
Le Manchot prend une
douche, se rase, et descend dans la vaste salle à manger sur le mur de laquelle
il fait épingler une carte d’état-major géante de la région.
L’ensemble des officiers
arrive simultanément. Sans le moindre protocole, dans un brouhaha confus, ils
déplacent des tables, des chaises, s’installent dans un large demi-cercle
autour de leur chef.
Le lieutenant Fauquet
disparaît un instant, il revient un verre de whisky à la main.
« Fauquet, il s’agit
d’un briefing, pas d’un cocktail ! gueule Bourgoin.
— Excusez-moi, mon
colonel. »
Fauquet vide son verre d’un
trait et le dépose à ses pieds.
« Bon, reprend
Bourgoin, je vous demande cinq minutes d’attention. »
Le silence qui s’établit
brusquement surprend le sous-lieutenant Le Bobinnec qui était lancé dans une
passionnante description. Tous entendent fuser la conclusion de sa phrase :
« … et avec ça, une
paire de miches montées sur roulements à billes. »
Bourgoin se contente de
jeter au sous-lieutenant un regard sévère.
« Bon, commence-t-il,
voici les ordres. Nous allons échelonner le bataillon sur une cinquantaine de
kilomètres. Pour ça, démerdez-vous. Placez des équipages dans les villages du
bord de Loire. La moitié dans la direction d’Orléans, l’autre dans celle de
Nevers.
« Sur la Loire, il
semble qu’il reste quelques ponts. Jusqu’à nouvel ordre, ce qui ne saurait
tarder, les consignes précisent qu’il nous est formellement interdit de
les passer. Même tabac pour les Américains qui, eux, sont des soldats
disciplinés. Je n’ignore pas que ce n’est en rien votre cas. Aussi j’insiste
sur un point : si certains d’entre vous prenaient sur eux d’enfreindre les
instructions que je viens de vous exposer, je leur ordonne formellement de ne m’en
faire part qu’après. Mais en tout état de cause, je vous demande de ne
pas commencer à désobéir avant quarante-huit heures, le temps de s’installer et
de renifler le climat.
« J’ajoute que d’après
les rapports de la LRD armée qui monte du sud et qui se trouve encore à plus de
deux cents kilomètres de la Loire, aucune règle ne peut être établie sur le
comportement des Boches. Certains jours, les gus de De Lattre ou les légionnaires
avancent dans de la vaseline, font des prisonniers par paquets de mille ; le
lendemain, ils se font accrocher des heures par des bandes d’acharnés têtus qui
se cramponnent comme des morpions à des positions sans intérêt.
« Si je laisse
sciemment une porte entrouverte à la transgression de mes ordres, c’est que
devant la situation confuse qui se crée, la population civile risque de
dérouiller salement. J’espère m’être bien fait comprendre, vous pouvez disposer. »
Les officiers se lèvent,
le brouhaha tumultueux reprend.
« Un mot encore »,
ajoute Bourgoin. À nouveau tous font le silence, à l’exception de Le Bobinnec
qui a repris instantanément sa conversation interrompue. Tous perçoivent :
« … sans compter une tronche de salope.
— En m’excusant de
troubler pour la seconde fois les obsessions sexuelles du Breton, reprend
Bourgoin, j’ajoute : pas de conneries, restez prudents, ne mésestimez pas
l’ennemi. Maintenant, vous pouvez vous faire servir à boire. »
Une centaine de
parachutistes se sont implantés à Briare, autour du P.C. Tous ont trouvé des chambres
confortables chez les habitants ou les fermiers des alentours qui les ont
accueillis avec joie et fierté. De nombreux résistants et patriotes se sont
présentés à Bourgoin. Il n’est pas toujours aisé de les juger, de faire la part
d’authenticité ou d’opportunisme, mais dans l’ensemble l’exaltation
enthousiaste de la population est générale et sincère.
Les hommes ont passé une
nuit de repos et s’apprêtent à se délasser jusqu’au lendemain. À l’hôtel de la
Poste, Bourgoin achève de déjeuner, en compagnie d’un commandant des Forces
françaises de l’Intérieur. Aux autres tables de la vaste salle à manger, une
dizaine d’officiers
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