Qui ose vaincra
à
temps. Il ordonne une plongée à profondeur maximum. Pendant quatre heures le Triton va s’immobiliser par soixante-douze mètres de fond. L’épreuve est angoissante
pour les parachutistes qui perçoivent nettement les vibrations provoquées par
les hélices des navires qui passent lourdement en surface.
Le sous-marin n’est pas
repéré. À 11 heures du matin, il reprend sa route.
Le Triton fait
surface le 10 juin à 2 h 35. Le commandant embrasse Costas Petrakis, serre
chaleureusement la main des cinq autres. Il recommande :
« Dès que vous
serez sur le pont, gardez un silence absolu. Bien que la mer soit plate, une
légère brise souffle du nord. Elle vous aidera à gagner la côte, mais y portera
le moindre murmure. »
Trois dinghies sont glissés précautionneusement sur la surface plane de la mer. Malgré leurs
armes et leurs sacs, les parachutistes se répartissent en souplesse, deux par
deux, sur les frêles et instables embarcations qui s’éloignent en silence vers
la terre. Jellicœ et Sibard sont en tête, les autres suivent. Il n’y a pas de
lune. Les six hommes distinguent à peine le rivage. Ils accostent dans une
crique sur une petite plage de gravier. Ce n’est pas le point prévu ; ils
ont dû dériver, mais ça ne les préoccupe pas. Toujours sans échanger un mot, ils
ils transportent péniblement à terre l’ensemble des armes et du matériel :
chargé d’explosifs, chaque sac individuel pèse près de trente kilos.
Ensuite, Lord Jellicœ et
Jacques Mouhot se déshabillent ; ils emplissent les dinghies de
gravier, remettent les embarcations à la mer. Tenant le bout d’amarrage des canots
pneumatiques entre leurs dents, ils nagent une centaine de mètres vers le large.
Là, à coups de poignard, ils lardent le caoutchouc de coups furieux ; lestés
par le gravier, les dinghies s’enfoncent lourdement.
Les deux nageurs
rejoignent leurs compagnons sur la rive. Sans prendre le soin de s’essuyer, ils
repassent leur battle-dress, s’équipent de leurs armes et de leurs sacs.
Chaque homme possède une
mitraillette Beretta, un Colt 11,43, un poignard de commando dont le manche
forme un coup-de-poing américain et qui, selon la convention de Genève, équivaut
à une condamnation à mort pour celui qui est pris en sa possession. Ils ont en
outre chacun deux litres d’eau, un kilo de raisins de Corinthe, un kilo de
dattes, et deux plaques d’un infect chocolat au sang de cheval.
En file indienne, le
commando s’éloigne de la plage. Leurs bottines de toile à semelles
caoutchoutées permettent aux six hommes d’avancer en silence malgré le poids qu’ils
transportent. Ils gravissent une colline pierreuse. Soudain, au sommet, ils
sont bloqués par un double réseau de barbelés. Bergé s’assoit et souffle.
« Impossible de couper
cette saloperie, chuchote-t-il à ses hommes qui se sont groupés autour de lui. Ça
pourrait trahir notre présence. Il faut se démerder pour passer. Pierrot, débarrasse-toi
de ton sac et longe le réseau. Tâche de trouver un endroit propice. »
Léostic s’exécute. C’est
la première fois que le capitaine l’appelle par son prénom. Les autres aussi l’ont
remarqué. Dans l’aventure les liens se resserrent, la hiérarchie et le
protocole s’effritent, c’est agréable et rassurant.
Ils n’attendent Léostic
qu’un bref instant. Le jeune Breton est tellement agile et silencieux que ses
camarades ne s’aperçoivent de son retour que lorsqu’il est proche à les toucher.
« Je crois que j’ai
trouvé, mon capitaine. À moins de cent mètres il y a un affaissement de terrain,
on doit pouvoir s’y glisser. »
Effectivement, ils
passent.
Bergé dirige alors ses
hommes à la boussole, cap au nord-ouest. Quelle que soit la nature du sol, ils marchent
d’un pas automatique, à un mètre les uns des autres, gravissent deux collines, traversent
un maquis sec «
Avant l’aube le commando
parvient en bordure d’une terre cultivée. Sans la distinguer vraiment, les S.A.S.
devinent sur leur gauche une chaîne montagneuse. Bergé décide d’abandonner
momentanément le cap et de se diriger dans sa direction. Il convient de trouver
un refuge pour se dissimuler pendant la journée.
À partir de 5 heures du
matin, des formes titanesques se dessinent. La montagne semble jaillir de terre ;
sans prendre la moindre couleur, une masse énorme de roches pâles écrase soudain
le paysage.
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