Qui ose vaincra
que
vous allez partir avec moi, le capitaine Jellicœ et le lieutenant Petrakis. Le
capitaine va vous initier immédiatement à une nouvelle forme d’entraînement. Vous
n’avez que vingt-quatre heures devant vous. Écoutez attentivement ses conseils,
et ne l’embarrassez pas avec des questions auxquelles il ne pourrait vous
répondre. Ne laissez rien transpirer, même dans le camp. Cette entrevue aussi
bien que tout ce que vous pourriez apprendre doit les ter strictement secret. »
Jellicœ se lève et fait
signe aux trois hommes.
« C’est bon, les
grenouilles, suivez-moi ! »
Devant la tente, le
grand officier roux s’installe dans une jeep. En silence, les parachutistes
prennent place à ses côtés. Même entre eux ils n’osent pas prononcer la moindre
parole, et pourtant la curiosité les dévore. Jellicœ rompt la tension.
« Nous ne sommes
tout de même pas au confessionnal ! Nous allons faire de la navigation de plaisance.
Je suppose que vous savez ramer tous les trois ? »
Ils acquiescent.
« Parfait, nous
allons voir ça. »
Au bord du canal, une
lourde barque les attend. Jellicœ prend place à l’arrière, commande à Mouhot et
Sibard de prendre les avirons, désigne à Léostic une place à l’avant.
« Voici, explique-t-il,
le but de l’opération. Apprendre à ramer sans créer le moindre remous, sans
provoquer le moindre bruit. »
Se relayant sans cesse, ils
rament toute la nuit, s’exercent à faire glisser les pelles des avirons, à les
enfoncer en silence, et à les retirer à Heur d’eau. Quand l’aube se lève, ils
sont au point, Jellicœ est satisfait.
« Ça va aller, je
signalerai au capitaine Bergé que son choix est O. K ! Vous pouvez aller
dormir quelques heures. »
Mais ils sont trop
surexcités pour dormir. Ils prépaient leur paquetage, cherchent à deviner ce
qui les attend, à percer le secret de l’opération.
À 18 heures, Jellicœ
vient les aviser que le départ est pour 19 heures. Sous leur tente, un sergent
s’étonne de la prévenance de l’officier britannique.
« Un capitaine-lord
qui se dérange en personne ! Vous devenez des huiles tous les trois.
Capitaine-lord ? interroge
Sibard.
— Évidemment, tu ne
le savais pas. C’est lord Jellicœ, le fils de l’amiral vainqueur de la bataille
du Jutland. Son père était le chef tout-puissant de l’Amirauté britannique
pendant la dernière guerre. » Sur son lit, Léostic se tord d’un rire
nerveux. « Qu’est-ce qui t’arrive, Pierrot ? lance Mouhot. Tu deviens
hystérique, ou quoi ? »
Le rire de Pierrot
redouble. Il en pleure. Par bribes hachées, il répond :
« Ben, merde, ça
vous fait pas rigoler, vous ! Je pense au Grand Amiral. S’il avait pu voir
son rejeton cette nuit, ce qu’il aurait été fier ! »
Le camion a roulé une
partie de la nuit. À 6 heures du matin, le commando arrive sur le port d’Alexandrie.
Les six hommes embarquent et, dans la rade, montent à bord d’un navire amiral, le Midway.
« Tâchez de vous
reposer, conseille Bergé, conférence à 15 heures. On vous mettra au courant. »
Le briefing a lieu dans
la salle des cartes. Une dizaine d’officiers de marine sont présents. Parmi eux,
trois Grecs. Au mur, des agrandissements de photos aériennes ; sur des tréteaux,
des cartes : elles représentent l’île de Crète.
« Voici ce que l’on
attend de nous, commence Bergé. Un sous-marin grec va nous déposer au nord de l’île
de Crète, à ce point précis. »
Le capitaine désigne sur
une carte géante un point qui doit se trouver à une quinzaine de kilomètres d’Heraklion,
l’un des centres principaux de l’île.
« À deux kilomètres
d’Heraklion, poursuit Bergé, la Luftwaffe a installé sa base première. Cet
aéroport constitue pour nous une véritable gangrène ; les avions de chasse
et de bombardement en décollent et interceptent sans difficulté les convois que
nous tentons d’acheminer vers Malte. Précisément l’un de ces convois doit
appareiller d’Alexandrie le 13 juin. Il est essentiel pour la survie de l’île
qu’il parvienne à sa destination.
« Pour appuyer leur
tentative de forcer le blocus, six commandos formés par vos camarades S.A.S. français
et anglais vont attaquer les aéroports de la côte africaine. S’ils réussissent,
les dix-sept navires de fort tonnage se trouveront hors d’atteinte de la
Luftwaffe. Mais il restera Heraklion en Crète. Vous
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