Qui ose vaincra
soldats
de la patrouille frappent le sol à une vingtaine de centimètres de leurs
visages. Elles déplacent des gravillons qui rebondissent sur leurs casques. Il
leur semble que cette mitraille couvre le chant des cigales, déclenche un
vacarme strident, et pourtant la patrouille s’éloigne sans rien remarquer. Plusieurs
minutes leur sont nécessaires pour retrouver leur rythme cardiaque ; leurs
mains se sont relâchées mécaniquement sur le manche de leurs armes ; ils
sont dégoulinants d’une sueur aigre et moite, leurs cuisses vibrent
nerveusement.
Bergé presse l’épaule de
Léostic, Jellicœ celle de Sibard. Les deux hommes se débarrassent de leurs sacs
dont ils extraient deux paires de longues pinces coupantes. Ils franchissent le
fossé et progressent comme des reptiles jusqu’à l’enceinte de barbelés. Les
autres perçoivent nettement le claquement de l’acier rompu ; ils les
rejoignent, trouvent la brèche ; un à un les sacs sont passés, puis les
hommes se glissent à leur tour. Ils font preuve d’un sang-froid stupéfiant. Le
premier — Jellicœ – replace sa charge sur ses épaules et, marchant très droit, se
dirige vers l’ombre des premiers hangars.
Il est minuit moins dix.
Il faut que le commando ait posé les derniers engins avant 2 heures. La Royal
Air Force doit alors effectuer son second raid.
Le premier hangar est
désert, c’est un entrepôt qui contient des moteurs de rechange. Sans échanger
la moindre parole, les parachutistes préparent les explosifs, les dispositifs
de retardement et, deux par deux, gagnent les appareils dont ils ont repéré la
disposition dans la journée.
Mouhot et Sibard font
équipe. Le numéro de main en main qu’ils exécutent sous l’aile des avions
serait digne de figurer au programme d’un cirque. Comme un chat, Mouhot grimpe
sur les épaules de son compagnon qui lui passe le matériel ; les charges
sont fixées à un endroit précis près des réservoirs d’essence.
Les deux hommes viennent
de piéger leur quatrième appareil. Ils se dirigent vers le cinquième lorsqu’ils
manquent de buter sur deux corps allongés. Cherchant vraisemblablement la fraîcheur,
deux aviateurs allemands dorment paisiblement, roulés dans des couvertures. Instinctivement
Mouhot et Sibard dégainent leurs poignards. Malgré l’épaisseur de l’obscurité, ils
distinguent la gorge des dormeurs qui s’offre à eux. Les deux parachutistes
échangent un regard, les yeux clairs de Mouhot brillent dans la nuit. Sibard
rengaine son arme et contourne les corps allongés à même le sol.
Soulagé, Mouhot l’imite.
Ils ont eu la même pensée, ils viennent de s’écarter dangereusement de leurs consignes :
si les Allemands se réveillent et donnent l’alerte, tout le commando risque de
payer de sa vie la faiblesse dont ils viennent de faire preuve.
Il est 2 heures moins 10
quand ils se retrouvent tous les cinq au hangar. Dans quelques minutes, les premières
explosions vont déchirer la nuit, tous les appareils ont été piégés.
« On fout le camp, murmure
Bergé. Maintenant, on pense à nous.
— Allez-y, je vous
rejoins, j’ai encore quelques bricoles à terminer », déclare Jellicœ dans
un souffle. Tranquillement, l’officier anglais dispose toutes les charges excédantes
de plastic dans les caisses de matériel du hangar.
Les S.A.S. sont encore à
l’intérieur du camp lorsque l’alerte provoquée par la Royal Air Force se
déclenche.
Couvert par le hurlement
des sirènes, Bergé crie calmement :
« Marchez droit, et
sans hâte ! » Ils fournissent un effort surhumain pour conserver leur
calme.
Arrivés à la brèche, ils se
précipitent un à un et vont rouler dans le fossé. Avant les bombes de la R.A.F..
L’explosion de leur premier engin
retentit, suivie de la déflagration mate d’un réservoir d’essence déchiqueté et
de la lueur crue du combustible qui se répand en fusion.
Léostic éclate de rire. Un
rire franc, sans nervosité, le rire d’un enfant qui vient de réaliser la
meilleure blague de sa vie.
« En route, nom de
Dieu ! gueule Bergé. Ils vont quand même finir par comprendre. »
Les cinq hommes
gravissent agilement la colline. Leurs sacs ne pèsent plus, Jellicœ garde les
yeux rivés sur le cadran de son chronomètre phosphorescent. Toutes les deux ou
trois minutes, il constate une nouvelle explosion.
Au sommet de la colline,
avant de plonger vers
Weitere Kostenlose Bücher