Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
Vom Netzwerk:
maintenir de bonnes relations entre les cultivateurs et le nouvel
État, condamne l’opposition qui préconise une politique active dirigée contre
les paysans riches en passe de former une nouvelle bourgeoisie rurale. Il
soutient Staline. Plus tard, au début de la collectivisation forcée, au temps
si dur de l’industrialisation, du rationnement et des répressions dirigées
contre les résistances les plus naturelles, Boukharine, avec ses vieux amis du
premier Bureau politique de la révolution d’Octobre, Alexis Rykov, ex-président
du Conseil des commissaires du peuple (disparu) et Tomski ,
ex-leader des syndicats soviétiques (suicidé), se prononce pour une politique
conciliante vis-à-vis des campagnes. La droite modérée dont il se fait ainsi l’idéologue
sera vaincue sans combat. Écarté de la direction de l’Internationale communiste,
écarté de l’enseignement, mis dans l’impossibilité de publier ses ouvrages, Boukharine,
qui dans des notes privées a porté sur Staline un jugement d’une perspicacité
terrible, est finalement chargé de la direction du quotidien officiel. Il s’acquitte
là, malgré lui, d’un cœur malade – comment en douter ! – des tristes
besognes qu’on lui impose pendant les procès de ses camarades du vieux parti
bolchevique. Il a fait l’impossible pour se rallier, se faire tolérer. Mais
maintenant que tout le vieux parti descend dans les prisons ou dans la tombe, sa
situation, comme celle de Rykov, devient intenable. On finit par l’arrêter. Il
comparait, à côté de Rykov, devant le Comité central siégeant naturellement à
huis clos, au début de cette année. On exige de lui, au nom de son attachement
au parti, des aveux de complaisance qu’il refuse. C’est lui qui accuse. C’est
la fin. Boukharine disparaît. On croit savoir qu’une peine de huit ou dix
années de réclusion lui est infligée sans procès. L’opinion, à l’étranger, se
tait…
    Mais peut-on laisser vivre les deux derniers des
collaborateurs de Lénine ? Ils ne portent plus les si lourdes
responsabilités du pouvoir, depuis longtemps. L’impitoyable chef génial qui
supprime tour à tour, dans son entourage même, tous ceux qui pourraient un jour
former une équipe de rechange au gouvernement, se rend bien compte que la seule
existence de ces hommes, au fond des geôles, est encore un péril. Elle est
aussi un vivant remords. Voilà l’explication de la suppression de Boukharine. Rykov
est-il en vie ? Pour combien de temps ?
    Toute la jeune génération du communisme international s’est
nourrie des ouvrages de Boukharine. J’ai cherché à me procurer à Paris son
précis du
Matérialisme historique
,
édité il y a quelques années, en français, par la librairie de l’Internationale
communiste, dite Éditions sociales internationales [171]
.
Je n’ai pas réussi. Les livres de
Boukharine, on n’a pas pu, en France, les brûler sur les places publiques, mais
on les a mis au pilon, comme en URSS, sans bruit.
    Je n’ai plus la force de m’indigner. Je le revois, Nicolas
Ivanovitch, si simple et si gai, esprit toujours en éveil, je songe à tout ce
que ce cerveau-là pouvait encore donner au socialisme international – et j’en
éprouve un accablement sans nom. L’avenir lui rendra justice, mais le présent s’est
appauvri d’un homme unique.

La confession de Bakounine
    4-5 décembre 1937
    J’ai rouvert, ces jours-ci, en cours de travail, un livre
émouvant entre tous : la
Confession
de Bakounine [172] .
Ce document humain ne fut publié qu’après la révolution russe quand s’ouvrirent
les archives de la police secrète. Bakounine lui-même n’y avait fait que de
vagues allusions dans des entretiens avec ses amis les plus proches, à son
retour de Sibérie. Séjournant en Suisse, en Belgique, en France, de 1844 à 1848,
Bakounine avait connu Marx et Engels, sans les bien comprendre. On ne sait trop
quelle part il prit à Paris aux événements de 1848, mais il est certain qu’il
courut les clubs et porta le fusil. Caussidière aurait dit de lui le mot resté fameux : « Le premier jour de la
révolution, c’est un trésor ; le second, il faudrait simplement le
fusiller. »
    Bakounine préféra ne point attendre les complications et
partit, muni de fonds par le gouvernement provisoire, pour la frontière de
Russie, afin d’y fomenter un soulèvement. Il n’alla pas si loin, emporté tout
de suite par la révolution allemande. Il prit part

Weitere Kostenlose Bücher