Retour à l'Ouest
guerre :
« La situation diplomatique en 1914 – avant Sarajevo – nous
semble autoriser les conclusions suivantes (à titre provisoire). On peut
admettre qu’aucun gouvernement ne voulait de propos délibéré la guerre
européenne. Mais l’obsession de la guerre les hantait tous, rôdait en eux, autour
d’eux, à l’exception (peut-être) du gouvernement britannique. D’une part, les
malentendus et la méfiance étaient au plus haut point ; chaque groupe
attribuait à l’autre des projets d’agression et agissait en conséquence ; chacun
se jugeait en état de légitime défense et travaillait hâtivement à compléter
son outillage de guerre. D’autre part, chaque groupe avait tendance à se croire
le plus fort, par suite chacun acceptait le risque de guerre, chacun était
décidé à ne pas reculer d’un pas devant l’autre… » Et « les peuples, les
misérables peuples croient encore vivre dans la paix que déjà la guerre et la
mort les étreignent. »
Ce tableau du monde d’avant le 2 août 1914 rappelle trait
pour trait celui du monde actuel où intervient seulement un nouveau facteur :
les peuples sont avertis par l’expérience. Réduits pour l’heure à l’impuissance,
ils sont tendus par une attente anxieuse en laquelle mûrissent des refus et des
révoltes capables de bouleverser tous les desseins des chefs d’États. C’est
également vrai pour les deux colosses aux pieds d’argile dont les soldats ont
commencé à s’entretuer à la frontière mandchoue ; et cette vérité demeure
la chance la plus sérieuse de la paix.
Extrême-Orient I. La thèse japonaise *
13-14 août 1938
M. Kawakami, correspondant de plusieurs journaux
japonais à Londres, l’expose dans un livre édité par Bernard Grasset :
Le Japon en Chine, ses mobiles et ses buts
.
M. Kawakami a l’incontestable mérite d’être clair ; on aime qu’une
propagande se présente à visage découvert par ce temps de noyautages variés où
les dictatures cherchent à se faire prendre pour des démocraties et les
agresseurs de peuples faibles pour des civilisateurs. Si la thèse de M. Kawakami
rejoint néanmoins le mensonge du plus fort calibre ou, plus exactement, l’énorme
déformation des faits, ce n’est ni par excès d’habileté ni par intention de
tromper : c’est plutôt par excès de franchise et parce que les faits sont
ce qu’ils sont.
Contrairement à ce que l’on admet communément, c’est – expose
M. Kawakami – la Chine qui a imposé la guerre au Japon. La Chine a « tendu
un traquenard au Japon ». Durant « des années, elle a manœuvré avec
constance et habileté pour déclencher l’intervention désirée ». C’est « délibérément »
qu’elle a provoqué des combats dans la zone de Shanghai « le seul endroit
où les Japonais n’eussent ni le désir ni l’intention de se battre ». Je
cite textuellement les premières lignes du livre. On continue malgré soi ce
raisonnement et l’on se demande quelles ruses perfides les Chinois doivent
mettre en œuvre pour se faire bombarder à Canton même, c’est-à-dire à des
milliers de kilomètres du Japon ? Si l’ironie paraît un peu grosse, c’est
seulement qu’elle est à la proportion de l’argument. Les Chinois ayant mis les
Japonais en demeure de se battre par une suite ininterrompue d’attentats, de
provocations et de crimes, cherchent, lorsque les hostilités éclatent dans le
Nord, en juillet 1937, à leur faire détruire Shanghai, afin de les brouiller
avec les puissances occidentales…
Si la Chine se comporte ainsi, c’est, bien entendu, qu’elle
est bolchevisée, soumise à l’influence soviétique, armée par les Russes.
M. Kawakami produit à ce propos un certain nombre de pièces que je veux
bien considérer comme authentiques. L’Internationale communiste ne s’est pas
cachée d’agir en Chine [247] .
Le monde sait que le grand débat de 1927 entre Staline et Trotski, au sein du
comité central du parti communiste de l’URSS, eut pour objet la direction de la
révolution chinoise. Staline entendait collaborer avec la bourgeoisie nationaliste,
tandis que Trotski préconisait la lutte de classes et des réformes socialistes.
Il est tout aussi vrai que la République populaire de Mongolie, fondée en
1920-1921 par l’Armée Rouge, est devenue en réalité un protectorat soviétique ;
il est vrai, enfin, que la partie septentrionale du Turkestan chinois, le
Sin-Kiang, est depuis
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