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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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sacrifiés
à ce triste réalisme, comme s’ils étaient étrangers à la culture, mis en
quelque sorte hors la loi commune… Ne nous demandons même pas si le faux
témoignage, l’aveu de complaisance dicté par une inquisition, les procès où ne
comparaissent que des victimes consentantes ne constituent pas des attentats à
la culture de ce siècle. Revenons à la littérature. Comment des écrivains
antifascistes peuvent-ils se réunir aujourd’hui, se regarder les uns les autres
dans les yeux, dire à la tribune, les uns devant les autres, tant de choses émouvantes
(etc.) en feignant d’ignorer le sort de leurs confrères de Russie ? Ne s’élèvera-t-il
pas une voix parmi eux pour demander ce qu’est devenu, disparu depuis un an, le
plus grand romancier soviétique, Boris Pilniak ? ce qu’est devenu le
critique et romancier Voronski ? ce que sont devenus les critiques
communistes Lélévitch et Gorbatchev ? S’il est vrai que le romancier
polonais, réfugié à Moscou, Bruno Jasienski , l’auteur
de
Je brûle Paris
, a été
fusillé ? S’il est vrai que l’ex-secrétaire général de l’Association des
écrivains prolétariens d’URSS Léopold Averbach et la
romancière Galina Serebriakova ont eu le même sort ?
Dans quelle prison se trouve le romancier communiste hongrois Béla
Illés  ? dans quelle prison le dramaturge Kirchon $$$ qui, précisément au premier congrès international des écrivains pour la défense
de la culture (Paris, 1935), tenta de justifier ma captivité au moyen des plus
grossiers mensonges ? dans quelle prison le grand poète Boris Pasternak ?
Je mêle ici, puisque la persécution les confond tous, aux noms d’artistes de
haute lignée ceux de médiocres gens de plume officiels de la veille. Où
sont-ils ? Que deviennent-ils ? Il faudrait des colonnes pour
mentionner seulement tous ces disparus… Personne ne les nomme dans les
assemblées d’écrivains antifascistes dévouées à la culture, personne ! Emprisonnés,
déportés, fusillés ou seulement bâillonnés, sans que l’on sache pourquoi, on
veut les ignorer, les oublier. Quelle hideuse complicité, en tout ceci, avec
une tyrannie, et quelle dérision que cette façon-là de défendre la culture !
Se peut-il que MM. André Chamson, René Maran, Claude Aveline, Luc Durtain,
Ernst Toller, Theodore Dreiser ne s’en soient pas rendus compte ?

Alarme en Extrême-Orient *
    6-7 août 1938
    Un calme tellement étonnant règne sur les montagnes boisées
que l’on pourrait se croire permise une vie sans angoisse ni cruauté… Déplions
cependant la feuille imprimée arrivée ce matin. Titre rassurant en première
page : « L’incident nippo-soviétique est clos »… Quel singulier
imbécile, métissé de filou, rédige ces manchettes ? Le texte des dépêches
du 31 juillet nous apprend qu’à Tokyo l’on estime clos l’incident depuis que
les Japonais ont délogé – tanks, artilleries, aviation aidant – l’Armée rouge d’une
colline contestée. Une dépêche de l’agence soviétique Tass confirme l’annonce
de ce premier combat. « Le 31 juillet, les Japonais ont violé la frontière
soviétique sur les hauteurs à l’ouest du lac Khassan. Les troupes japonaises
ont ouvert un feu d’artillerie inattendu… Ces troupes subissent de grandes
pertes en homme et en matériel de guerre… » C’est ce que vous appelez,
M. le journaliste, clore l’incident ? Un petit tampon bien
ensanglanté dessus, quelques dizaines ou centaines de paysans de Voronège et de
Hondo enterrés dans des fosses communes par une belle journée d’août, – et
pensons vite à autre chose ?… En réalité, il ne faudrait pas s’y tromper, l’incident,
nullement clos, s’annonce au contraire d’une extrême gravité.
    Depuis des années, l’URSS entière répète le mot d’ordre de
Staline : « Nous ne voulons pas un pouce des territoires d’autrui ;
nous ne céderons pas un pouce du nôtre. » Ce serait là l’expression d’une
volonté juste et sage, en somme, à notre époque d’absurdes frontières, s’il n’y
avait des territoires contestés dont les cartes mêmes sont litigieuses. Le
premier sang de la grande guerre d’Extrême-Orient vient peut-être de couler. Moscou
accuse les Japonais d’avoir pénétré en territoire soviétique à quatre
kilomètres de profondeur. Cette seule ligne de communiqué officiel implique la
résolution de les chasser par la force de ces quatre

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