Retour à l'Ouest
victoires.
En mars 1927, à l’approche de l’armée du Kuo-Min-Tang, les
syndicats ouvriers de Shanghai déclenchent une insurrection et, sans coup férir,
s’emparent de l’un des plus grands ports du Pacifique. Ils en ouvrent les
portes à Tchang Kaï-chek, lui donnant ainsi la suprématie sur toute la vallée
du Yang-Tsé-Kiang. Mais ce sont des Rouges, de vrais Rouges aux mains calleuses
qui parlent de contrôle ouvrier de la production, voire de nationalisation… Après
de si grands succès, la révolution populaire est devenue dangereuse pour la
bourgeoisie nationaliste elle-même. Le 12 avril 1927, Tchang Kaï-chek accomplit
son deuxième coup de force. Les syndicats de Shanghai, attaqués par surprise, sont
détruits par le fer et par le feu. Les cadets de Wampoo, connus pour leurs
opinions avancées, sont fusillés. Des semaines après les sanglantes journées d’avril,
le coupeur de tête se promène encore dans les rues de Shanghai pour exécuter
les suspects au premier signe d’un mouchard… Et ces suspects ce sont les hommes
mêmes qui ont porté le Kuo-Min-Tang et Tchang Kaï-chek au pouvoir !
M. Jean Escarra écrit dans
L’honorable
paix japonaise
(Grasset, 1938)… : « Il ne se passait
guère de jours que l’on ne vit défiler dans les rues de grandes bandes d’individus
que l’on menait au terrain d’exécution. Non seulement les communistes
proprement dits furent décimés, mais même les simples syndicalistes. Pour un ouvrier
appartenir à un syndicat fut alors un crime aussi bien aux yeux de Tchang
So-lin qui gouvernait à Pékin que de Tchang Kaï-chek et des autorités de Nankin
et de Canton. » Malraux a raconté dans
La
Condition humaine
quelques épisodes romancés de cette terreur
blanche [252] .
Le mouvement paysan fut littéralement noyé dans le sang.
La puissante révolution populaire par laquelle commençait
irrésistiblement la renaissance de la Chine était décapitée. Tchang Kaï-chek, comparé
– avec raison – par la presse soviétique à Galliffet, garda le pouvoir dans un
pays ravagé par les convulsions sociales, pour lequel il ne pouvait plus être
sérieusement question de s’émanciper des tutelles étrangères. Des foyers d’insurrection
subsistaient dans les provinces montagneuses où les communistes, soutenus par l’URSS,
fondaient des petites républiques soviétiques et réussissaient à créer de
valeureuses armées de partisans rouges sous le commandement de chefs bientôt
célèbres, comme Mao-Tsé-Dzioun [253] ,
Kho-Loun, Chou-Teh. Cinq fois, Tchang Kaï-chek dirigera contre ces rebelles des
« campagnes d’extermination » aussi vaines qu’inhumaines. La dernière
a lieu en octobre 1933. Villages incendiés, rasés de terre, populations
détruites, supplices sur les places publiques, toute la danse macabre ! Le
mot d’ordre du maréchal – car dans l’entre-temps, Tchang Kaï-chek s’est promu
maréchal et a lancé le mouvement de la « Vie Nouvelle » – est :
« D’abord anéantir les Rouges, ensuite résister au Japon… ». Une
grande armée rouge encerclée par ses troupes, fait la percée et se replie vers
l’intérieur du pays, vers les voies de communication avec l’URSS Elle compte au
départ 90 000 hommes : à l’arrivée dans les steppes de la Chine
centrale, elle en a 45 000. Et c’est cette armée de rescapés de
Mao-Tsé-Dzioun qui reçoit en 1936, de Moscou, l’ordre de se soumettre à Tchang
Kaï-chek afin de « réaliser l’unité de front contre le Japon ». Cet
ordre, elle s’y conforme… Les Communards, pourrait-on dire, font leur
soumission à Galliffet : ou, si l’on préfère, les Républicains à Franco… Les
morts n’ont pas voix au chapitre.
Or Tchang Kaï-chek ne veut ni l’alliance avec les Rouges ni
la guerre avec le Japon. En décembre 1936, il se rend au quartier général de
Tchang-Hsué-Liang pour y envisager une nouvelle action anticommuniste de vaste
envergure. Il y est fait prisonnier par des officiers partisans d’une politique
tout à fait différente. Séquestré, il court le risque d’être fusillé. L’incident
se termine par une singulière comédie. Tchang Kaï-chek, remis en liberté par Tchang-Hsué-Liang,
le fait condamner pour le gracier aussitôt. Et il change tout à coup de
politique. L’alliance avec l’armée rouge est scellée, la résistance au Japon
décidée. Les Rouges renoncent à toute activité révolutionnaire et jusqu’à
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