Retour à l'Ouest
exécutions… On
lui a fait signer bien des choses navrantes, de cet ordre. Je sais dans quelles
conditions, au nom de quelle raison d’État, de plus en plus avilie. Il faut
plaindre la veuve de Lénine.
… Nous savions que le haut-commandement de la flotte rouge
avait été détruit tout entier ; nous avions noté la disparition de cinq
amiraux – en russe « flagmen de 1 re classe » – et de deux contre-amiraux
ou « flagmen de 2 e classe ». La presse soviétique ayant
enfin, dans la seconde quinzaine d’août, fait des allusions tout à fait claires
à l’exécution des amiraux Orlov, Sivkov et Loudri – ce dernier, professeur de
stratégie navale, – on est amené à constater que les chefs de la marine de
guerre soviétique, formés en vingt années de travaux et d’études, ont tous été
exécutés en moins de dix-huit mois. (Le nom de l’amiral Orlov figura parmi ceux
des juges du maréchal Toukhatchevski ; on se rappellera que la plupart de
ces juges ont partagé peu après le sort des compagnons d’armes dont ils
signèrent par ordre l’arrêt de mort…)
Le
Times
du
31 août ajoute à ces trois noms ceux de sept amiraux et contre-amiraux, tous
disparus, tous très probablement fusillés. Ce sont : le contre-amiral
Ivanov, qui représenta l’URSS aux fêtes du couronnement de Georges VI ; l’amiral
Viktorov, nommé en septembre 1937 au commandement suprême des flottes de l’URSS ;
l’amiral Mouklévitch, un ancien ouvrier révolutionnaire, chargé de la direction
des constructions navales ; l’amiral Kojanov, nommé en octobre 1937 au commandement
de la flotte de la mer Noire ; l’amiral Kiréev, qui commandait récemment l’escadre
d’Extrême-Orient ; l’amiral Douchenov, commandant de la flotte de l’Arctique ;
le contre-amiral Kadatski, commandant de la flotte de l’Amour. Tous ont été
accusés de haute trahison et de sabotage ; tous ont été jugés – si l’on a
pris cette peine – dans le secret le plus absolu. L’histoire ne connaît pas d’exemple
d’une guerre qui ait porté un si rude coup au cerveau de la flotte…
Ni paix ni guerre ? [254] *
17-18 septembre 1938
Sera-ce la guerre – la guerre mondiale – cette nuit, demain,
la semaine prochaine ? Voilà où en est l’Europe. Paris attend dans un
calme magnifique. Demain peut-être, sur toutes les villes d’Europe, de lourds
avions de bombardement viendront répandre leurs bombes. Des millions d’hommes
qui, aujourd’hui, suivent paisiblement les chemins de leurs destinées avec tant
de désirs et d’espoirs, seront voués à des morts inconnues… Une folie plus
grande que le calme tendu de cette attente domine peut-être les événements. Hitler
déchaînera-t-il la guerre pour libérer trois millions de Sudètes allemands que
nul n’opprime en Tchécoslovaquie ? La guerre pourrait coûter autant de
morts à la seule Allemagne ; au cas d’une défaite assez probable, elle la
plongerait dans une détresse sans fond… On saisit, à ce seul énoncé, l’énorme
absurdité du problème.
Visionnaire aveuglé par ce qu’il tient pour sa mission, incapable
– du moins quand il parle à la foule – d’un raisonnement honnête et juste, Hitler
l’est comme les autres dictateurs des pays totalitaires, peut-être même à un
degré un peu plus fort. Mais représentant une immense force sociale, il n’est
dépourvu ni d’intelligence ni de conseillers. La réalité parvient jusqu’à lui à
travers maints experts. L’Allemagne, avec sa haute technique et son esprit méthodique,
est un des pays du monde les mieux organisés pour se bien connaître en la
personne de ses dirigeants, maîtres des informations scientifiques, des
censures, des mensonges officiels et des haut-parleurs. Elle sait très bien qu’elle
n’a ni matières premières ni vivres, ni or en quantités suffisantes pour faire
la guerre. Les six ou dix mois de réserves de M. Gœring ne rassureront
personne. Avec cela, au prix de privations incroyables, le Reich pourrait tenir
le double. Espérerait-il maîtriser l’Europe et son propre peuple en ce court
laps de temps ? Le rapport international des forces lui est nettement
défavorable.
Et s’agit-il bien des Sudètes en tout ceci ? S’agissait-il
vraiment, en 1914, des responsabilités de la Serbie dans l’attentat de Sarajevo ?
L’affaire serbe ne fut que le prétexte historique d’une guerre pour un nouveau
partage du monde. L’initiative
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