Retour à l'Ouest
colonial, de
sorte que le Japon ne fait qu’appliquer en cette matière la règle commune.
« Est à moi, dit le Cochon de la satire britannique, tout ce que je peux
prendre sans être pendu ». Les fondateurs d’empires ne professent pas d’autre
morale. Mais ensuite, ils se retournent, patelins, montrant qu’ils ont défriché
les terres volées et bâti des écoles pour les petit enfants des vaincus et des
massacrés : « Voyez le bien que nous faisons ! Nous sommes les
Civilisateurs ! ». À ce compte-là, le Japon n’est qu’un grand pays
colonisateur et civilisateur. Laissons parler les dates de l’histoire.
En 1789, la Chine est contrainte – par la force, bien
entendu – de lui céder les îles Liéou-Kiéou. En 1895, après une courte guerre, la
Chine lui cède la presqu’île du Liao-Toung, la grande île de Formose, l’archipel
des Pescadores. En 1900, le nationalisme chinois explose avec le mouvement des
Boxers. Le Japon participe à l’intervention en Chine, à la prise de Pékin, au
pillage du Palais d’Eté. La Russie qui, avec la France et l’Angleterre, l’a
obligé à restituer le Liao-Toung à la Chine s’y installe elle-même, ainsi qu’en
Mandchourie… Elle convoite la Corée. En 1904, sans déclaration de guerre, les
vaisseaux japonais ouvrent le feu sur deux vaisseaux russes et les coulent. La
victoire des jaunes sur les blancs est totale, sur mer comme sur terre. Le
traité de Portsmouth attribue au Japon la moitié de l’île Sakhaline (russe) et
Port-Arthur, dans le Liao-Toung. Il établit son protectorat sur la Corée qu’il
annexera en 1910. La Corée, devenue province de Chosen, a 17 millions d’habitants,
des traditions historiques, sa culture propre. On la gouvernera par la terreur,
selon les usages coloniaux.
1914. La guerre éclate en Europe. Le Japon exige aussitôt de
l’Allemagne l’abandon de sa colonie de Kiao-Tcheou, dans le Chan-Toung [251] , qu’il promet de
restituer à la Chine. Après neuf mois de combats, il s’en empare ; mais au
lieu de la rendre aux Chinois, il occupe maintenant le Chan-Toung, dont il a
fait sa base d’opérations… Dès la fin de la guerre mondiale, le Japon aide le
maréchal Tchang Tso-lin, aventurier militaire du type semi-féodal
semi-financier, à se rendre en fait indépendant en Mandchourie. Mais Tchang
Tso-lin poursuit ses propres desseins. Son train saute en 1928. On a tout lieu
de croire que le génie nippon ne fut pas étranger à cet attentat. Le fils de
Tchang Tso-lin, se montrant plus indocile encore que son père, les troupes
japonaises entrent à Moukden en 1931, occupent le pays, l’annexent. Elles
débarquent aussi à Shanghai qu’elles couvrent en vain de feu et de sang… La
Société des Nations condamne cette agression, affirme que la Mandchourie
demeure partie intégrante de la Chine, proclame le droit… En a-t-elle le droit ?
En tout cas, comme elle n’a pas la force de le faire respecter, ses décisions n’empêchent
rien…
Les « trois provinces du Nord » qui vont former
sous la tutelle nippone un nouvel empire, le Mandchoukouo, ont 28 millions d’habitants,
de grandes richesses naturelles, un sol fertile… Les envahisseurs ne s’en
contentent point ; ils occupent le Jehol, le Chahar, une partie de la
Mongolie extérieure, tout jusqu’à la Grande Muraille ; sans cesse, ils
prennent l’engagement de ne pas aller plus loin, mais c’est pour faire un
nouveau bond en avant le lendemain. Ils entrent à Pékin. En 1936, ils essuient
un échec en Mongolie…
La Chine lui reproche en outre d’organiser sur son
territoire la contrebande, pour diminuer ses ressources et le trafic des
stupéfiants pour amoindrir son énergie. Les Japonais introduisent en Chine l’opium
et la morphine. « En avril 1936, à Genève, Miss Muriel Leister a fourni à
ce sujet des détails édifiants. Elle a cité entre autres le cas de Fou-Tchéou, où
Japonais et Coréens ont ouvert 378 fumeries protégées par l’exterritorialité et
que la police chinoise n’a pas le droit de fermer… » M. Escarra écrit :
« … Le Japon, en favorisant un pareil trafic, n’a pas seulement en vue les
avantages qu’il peut en retirer du point de vue commercial et financier. On n’a
jamais nié qu’il y trouvât un moyen d’affaiblissement de la race chinoise et
par suite de son pouvoir de résistance à sa politique. Cela va de pair avec ses
méthodes d’espionnage et de corruption… Je tiens d’une
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