Retour à l'Ouest
de bruyantes campagnes publicitaires devait
insuffler aux producteurs un nouvel enthousiasme du travail, a échoué. Pas
complètement toutefois : il a permis de constituer des catégories d’ouvriers
privilégiés qui travaillent bien, attestant simplement une fois de plus que l’augmentation
du rendement du travail dépend largement de la condition matérielle du
travailleur. Ensuite que cette condition est généralement assez mauvaise pour
que le salarié cherche à l’améliorer en se déplaçant à travers les immenses
territoires de l’URSS. Cela signifie qu’il n’a ni foyer stable et confortable, ni
bien-être assuré là où l’on voudrait le fixer…
Quelques semaines se passent. Nous apprenons l’institution
de livrets de travail – en plus du passeport intérieur ! qui porteront la
mention : Bon ouvrier, excellent ouvrier, passable ou mauvais… La somme d’abus
et d’humiliations que les livrets noirs portant une fâcheuse mention peuvent
autoriser, nous n’essayerons pas de la deviner… On annonce encore la création
de trois classes d’insignes ou médailles du travail, donnant droit, les deux
premières, à un supplément de salaire de 5 et 10 roubles (soit à peu près pour
la capacité d’achat 5 et 10 francs…) par mois ; la possession de la
troisième distinction, médaille et titre de « héros » officiel du
travail, entraînant le doublement du salaire… Cette médaille-là, n’en doutons
point, sera fort désirée ; mais s’il y aura beaucoup d’appelés, il y aura
peu d’élus. Ou l’héroïsme finirait par grever lourdement le budget.
Enfin, le 29 décembre, paraît une décision des commissaires du
Peuple, du Conseil central des syndicats et du comité central du parti, sur l’amélioration
de la discipline dans la production… Ce nouveau texte, signé Staline, Molotov
et Chvernik et qui a force de loi, prescrit d’énergiques
mesures contre « les parasites… » Quels parasites peut-il bien y
avoir encore dans un État communiste après vingt années de victoires
ininterrompues et de succès économiques ? Les parasites ici visés, ce sont
« les ouvriers et les employés qui voudraient vivre aux dépens de l’État… »
Diverses sanctions sont prévues pour les ouvriers et
employés qui « flâneraient » pendant les heures de travail. À la
troisième sanction encourue au cours d’un même mois, le coupable sera « congédié
pour infraction à la législation du travail. » Les administrateurs d’entreprises
qui feront preuve d’indulgence en pareil cas pourront être déférés aux
tribunaux. Désormais, le travailleur désireux de quitter son emploi devra
donner à l’administration un préavis d’un mois… Congédié pour indiscipline ou
quittant volontairement – avec préavis – une entreprise, il sera tenu de
quitter avec sa famille, dans les dix jours, son logement, si ce logement appartient
à l’entreprise, et
sans avoir le droit d’en
réclamer un autre
… Dans un pays où presque tous les logements
ouvriers appartiennent aux entreprises industrielles et où les hivers sont
extrêmement rigoureux, cette disposition est vraiment grave. Et la loi traite
avec la même sévérité la famille du travailleur, qui ne saurait être rendue
responsable du comportement de ce dernier à l’usine, l’indiscipliné, le
fainéant, la « mauvaise tête » – et le bon ouvrier qui voudra
seulement faire usage de son droit théorique d’aller ailleurs…
Dorénavant, pour avoir droit au congé payé, il faudra avoir
travaillé onze mois sans interruption au même endroit. Dorénavant, les congés
payés de grossesse et d’allaitement ne seront accordés aux ouvrières qu’après
sept mois de travail ininterrompu. La durée de ces congés est sensiblement
diminuée. Au lieu d’un double congé de deux mois avant et deux mois après l’accouchement,
l’ouvrière n’aura plus droit qu’à cinq semaines avant et quatre semaines après.
De
seize à dix-sept semaines
,
ce congé de santé, si nécessaire dans un pays d’alimentation pauvre et de rude
climat, est réduit
à neuf semaines
.
Enfin les allocations aux accidentés du travail sont
diminuées. Celles des non-syndiqués seront de 50 % inférieures à celle des
syndiqués… Cette mesure paraît avoir pour objet d’une part de ramener ces
ouvriers aux syndicats qu’ils délaissent volontiers pour faire l’économie d’une
cotisation et, d’autre part, d’offrir
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