Retour à l'Ouest
tyrannie l’emporte pour eux sur
toute résistance humaine. Leurs consciences déchues ne serviront plus qu’à
rassurer les bourreaux de la révolution russe.
Quelles années de cauchemar commencent ainsi pour la Russie !
Les procès suivent les procès et ne sont que préludes de massacres nocturnes. Fusillés
ceux qui avouent ce que le tyran se plaît à leur faire avouer ; fusillés
en plus grand nombre, après on ne sait quelles tortures, ceux qui, héroïquement,
refusent ces aveux de complaisance. Le mensonge, la falsification des faits les
mieux connus, le truquage de l’histoire, le truquage des statistiques révèlent
tout à coup des proportions démesurées, délirantes ; et partout une âcre
odeur de sang. Nous sommes cependant quelques témoins, presque désespérés de
solitude, à clamer ce que nous savons, ce que nous avons vu et vécu. Nous
apportons dans la presse occidentale une documentation irréfutable et irréfutée
sur la condition de l’ouvrier, de la femme, de l’enfant en régime de dictature
stalinienne. Nous dénonçons les bas salaires dérisoires, le surmenage, les
privilèges de quelques-uns dans la misère de tous, la persécution acharnée de
quiconque s’est permis de penser, l’abolition de toute liberté d’opinion, les
zigzags inquiétants d’une politique étrangère à base de duplicité intéressée… Mais
nul ne veut nous entendre. Les publications se ferment devant nous, les
éditeurs se montrent réservés, la critique fait le silence sur nos livres. Le
crime grandit de mois en mois, des années durant, de 1935 à 1939, c’est l’évidence,
une évidence que les intellectuels « avancés », brutalement éclairés
aujourd’hui, ne veulent point voir…
Je pourrais donner ici des noms en longues listes, citer des
ouvrages, des articles, des propos, évoquer des rencontres… À quoi bon ? Par
moments, je cessais de comprendre. Comment se fait-il, me demandais-je, que
tous ces hommes qui paraissent savoir penser, dont beaucoup sont, au fond, honnêtes,
qui ont parfois, dans leurs œuvres, trouvé de beaux accents, comment se fait-il
qu’ils ne veuillent ni voir ni entendre ni comprendre ? qu’ils persévèrent
dans cette voie pestilentielle, buvant toute infamie, se faisant complices des
pires fourberies et des pires atrocités ? Comment se fait-il ?
Je ne sais pas encore comment il se faisait. Maintenant les
voilà, pour la plupart, éclairés. Un peu tard ! Il a fallu que le canon de
Hitler se mît à tonner sur la Vistule après que l’on eut vu, en première page
des journaux, M. Staline, tout souriant, mettre sa main dans celle de M. von Ribbentrop , tout souriant aussi. Alors, tout à coup,
les intellectuels « amis de l’URSS » ont compris… Lequel d’entre eux
nous donnera, à la fin, pour se soulager, la confession et l’explication d’un
si coupable aveuglement ?
Encore le double jeu de Staline
28 septembre 1939
Staline entend-il prêter à Hitler le concours de ses armées
et de ses forces économiques ? Ses mauvais coups se suivent en série
claire. L’entrée des armées soviétiques en Pologne n’aura pas été une surprise
pour les lecteurs de
La Wallonie
qui
se souviennent de ce que nous écrivions ici, en mai-juin, pendant les
négociations de Moscou [329] .
Le fourbe fossoyeur de la révolution russe est pris, lui
aussi, dans un engrenage d’événements et de nécessités qui commandent et
limitent visiblement son action. Sa collusion avec Hitler résulte au fond de la
crainte : il a trouvé sage de s’entendre avec le voisin qu’il redoutait le
plus contre le voisin faible. La Pologne envahie, il a vu avec anxiété les
colonnes motorisées du III e Reich se rapprocher de ses propres
frontières. Qu’il veuille tirer profit des circonstances pour ramener, à peu de
frais, les frontières de l’URSS où elles étaient avant la guerre polono-russe
de 1920 ne saurait faire de doute ; mais qu’il puisse consentir de bon gré
au voisinage direct d’une grande Allemagne paraît tout à fait impossible. En
dépit des efforts remarquables qu’elle a faits pour se donner un vaste
outillage industriel, la Russie demeure, par rapport à l’Allemagne, un pays
économiquement arriéré avec un retard de développement d’un, deux ou trois
siècles, selon les régions. Le jour des négociations finales, il est donc
infiniment probable que l’URSS stalinienne, tout en faisant valoir ses propres
appétits,
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