Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
Vom Netzwerk:
encore. Votre
intelligence sortira, j’ai ce ferme espoir, de cet orage du désespoir… Vous
êtes un des derniers dépositaires d’une immense expérience historique. Nous
avons besoin de vous…
    À moins que, ai-je dit… À moins que l’on ne vous ai fait
boire quelque breuvage apporté de ces laboratoires secrets dont il fut beaucoup
question à l’un des procès de Moscou ; à moins que l’ont n’ait réussi de
quelque façon à vous frapper perfidement ? La question, en tout cas, doit
être posée.

Responsabilité de quelques intellectuels
    12 septembre 1939
    Que le pacte de non-agression signé par les représentants d’Hitler
et de Staline soit en réalité un pacte d’agression contre la Pologne, avec
répartition des rôles actifs et passifs, voilà ce dont on ne saurait plus
douter… Il a fallu cette collusion entre le nazisme et la réaction stalinienne,
tellement monstrueuse en apparence que la veille encore elle paraissait
impossible à la plupart des observateurs de la politique internationale, pour
ouvrir les yeux à nombre d’intellectuels encore attachés au mythe de l’URSS « puissance
socialiste ». Leur réveil est d’autant plus amer que leur aveuglement fut
plus grand. Mais songent-ils à leurs responsabilités ?
    Je me souviens du jour où nous sûmes, nous, quelques
opposants déportés dans une ville de la steppe là-bas [324] , dans les
journaux soviétiques que tels et tels écrivains français [325] en renom – et
parmi eux une « grande conscience » consacrée en quelque sorte
officiellement depuis l’autre guerre [326] – approuvaient les exécutions d’innocents que Staline venait d’ordonner, au
lendemain du mystérieux attentat commis contre son collaborateur Kirov. Kirov, membre
du Bureau politique, chargé de gouverner la seconde capitale de l’URSS, Leningrad,
fut tué le 1 er décembre 1934 par un jeune communiste appartenant à
la police politique. Jamais les déclarations écrites que laissait le meurtrier
ne furent publiées. Un tribunal secret du Guépéou condamna les chefs de la
police de Leningrad à des longues peines d’emprisonnement pour avoir, connaissant
la préparation de l’attentat, négligé de prendre les mesures qui l’eussent
empêché. C’était constater officiellement la provocation policière dans ce
drame dont nous ignorons encore les véritables dessous. Et l’hécatombe commença.
Dès le lendemain quelque cent quatorze personnes étaient exécutées dans
diverses prisons, après un simulacre de procès secret. Les accusés, s’il faut
en croire la version officielle, comparaissaient, à raison de trente en une
soirée, devant un tribunal militaire qui les condamnait séance tenante à la
peine capitale ; et fusillés sur l’heure, dans la cour voisine. C’était un
abattage. Quinze jours s’écoulèrent, remplis de proscriptions en masses, et l’on
apprit l’exécution du meurtrier de Kirov et de treize jeunes communistes
coupables de l’avoir fréquenté. Pour la première fois, depuis la fin de la
guerre civile, le sang innocent coulait à flot, cent vingt-sept misérables
payaient l’acte d’un seul… Je rappelle ces faits parce que j’y vois un tournant
décisif. Staline, imitant en cela Hitler qui avait le 30 juin 1934 épuré son
parti par l’assassinat en masse [327] ,
recourt à la terreur, secrète, fourbe et sanglante d’abord contre des inconnus
choisis dans ses prisons, pour l’intimidation, puis contre la jeunesse de son
propre parti. Il a grand besoin à ce moment de la sympathie des intellectuels
avancés d’Occident dont la propagande pour lui est beaucoup plus habile et plus
efficace que celle de ses serviteurs payés. C’est l’époque des « congrès
de défense de la culture », du noyautage des revues, des maisons d’éditions,
des hebdomadaires. Moment crucial pour les intellectuels d’Occident que le
dictateur sollicite (et paie ; mais admettons que ce soit secondaire). Vont-ils
dire une seule parole courageuse qui soit à dire ? Vont-ils crier que ces
procédures barbares sont intolérables à toute conscience pénétrée du respect de
l’homme ? Ils font le contraire. Ils s’inclinent. Ils approuvent. L’auteur
de
Jean-Christophe
[328] approuve cette
répression inhumaine et insensée, lisons-nous dans nos captivités. Et nous
saisissons qu’une espérance s’est éteinte. De ces intellectuels-là, plus rien à
attendre. Pour eux, la vérité est morte. La

Weitere Kostenlose Bücher