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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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maîtresse
de ces pays. Ce fut elle qui transformée en grande aristocratie terrienne y
réprima durement la révolution de 1905…
    Pendant la guerre de 1914-1918, les armées allemandes [lancèrent]
dans les pays baltes des offensives couronnées de succès ; tout au
commencement de la révolution russe, Riga fut prise malgré la magnifique
résistance des fusiliers lettons qui défendaient à la fois leur pays et la
révolution socialiste. La perte de Riga [339] ,
on s’en souvient, hâta la prise de pouvoir par les bolcheviks, Lénine et
Trotski craignant que la bourgeoisie n’abandonnât Petrograd aux Allemands ;
un peu plus tard, la menace allemande sur Petrograd rouge les amena à
transférer la capitale des Soviets à Moscou. La bataille de la Baltique
continuait : à Brest-Litovsk, les plénipotentiaires allemands exigèrent
des Soviets, qu’ils savaient dans l’impossibilité de se battre, le sacrifice de
la Finlande. Un général von der Goltz débarqua avec vingt-cinq mille hommes
dans ce pays, pour y noyer dans le sang une république socialiste naissante. Un
an plus tard, après l’écroulement de l’Empire allemand, des troupes allemandes
opéraient encore en Lettonie et ce furent elles qui assurèrent à Riga la
victoire des Blancs sur les Rouges. Depuis leur fondation, les États baltes n’ont
pas cessé d’entretenir avec l’Allemagne des relations étroites, culturelles et
commerciales. Ils possédaient une population germanique influente, formée de
vieille aristocratie, de pasteurs, d’universitaires, de gens de professions
libérales, de commerçants ; minorité nationale privilégiée, sans pauvres. Bref,
sur la carte de l’expansion allemande dans le monde, les pays baltes devaient
être honorablement teintés.
    C’est cette colonie sûre que le III e Reich vient
de perdre, ou, plus exactement, de sacrifier à la collaboration de Staline. L’ampleur
du sacrifice montre le prix attaché à la collaboration soviétique et montre
aussi quels changements sont intervenus depuis le temps où Staline, redoutant
par-dessus tout une guerre avec l’Allemagne, faisait des avances à Hitler ;
dans la Baltique, la défaite de l’Allemagne est totale puisque le III e Reich a dû consentir à l’éviction de populations de souche germanique
installées là depuis des siècles : éviction immédiate, brutale, qui s’accompagne
pour beaucoup d’une ruine presque complète… Ces populations sont bien traitées
en vaincues.
    Cela montre aussi quels sont les rapports réels des deux
dictatures totalitaires, alliées en réalité, dans une large mesure, contre
leurs propres populations, puisqu’à Moscou comme à Berlin la raison
déterminante de toute politique intérieure ou extérieure est à rechercher dans
l’intérêt du régime – et non de la nation, et non des masses, et non du
socialisme ou de toute autre aspiration collective. Les deux régimes se défient
l’un de l’autre, leurs rapports sont des rapports de force. S’il n’en était pas
ainsi l’URSS n’eût ni exigé ni obtenu l’évacuation des populations allemandes
des pays baltes ; ces populations n’eussent pas éprouvé le besoin de fuir ;
leur apport au bien-être de ces pays n’étant pas négligeable, le nouveau maître
russe eût dû, au contraire, leur assurer un traitement bienveillant… Elles
fuient maintenant, prises de panique, abandonnant leur terre natale, leur avoir,
leur passé, rompant les liens contractés avec des populations sœurs, n’ayant
plus à choisir qu’entre deux despotismes… Et ce sont elles qui paient de la
sorte la bataille perdue.

Problèmes de la Mer Noire I – Les
Dardanelles
    31 octobre 1939
    Une singulière bataille diplomatique vient de se clore – provisoirement
car il n’est rien que de provisoire dans ce monde livré aux canons – comme elle
devait se clore : par un échec infligé au nouvel impérialisme russe sur le
chemin des Dardanelles.
    Soulignons, d’abord, qu’il est bien permis, désormais, de
parler d’un nouvel impérialisme russe [340] .
La propagande officielle des dernières années, en URSS, a remis en honneur l’esprit
grand-russien pour faire reconnaître le rôle dirigeant du peuple russe parmi
les nationalités de l’Union ; une hypocrisie est ainsi tombée, car la
tutelle de la bureaucratie russe s’est depuis longtemps imposée sans
ménagements aux nationalités mineures organisées pour la forme en républiques
fédérées ou

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