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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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mer Noire
rattache l’URSS à la Méditerranée, à l’Orient et à l’Extrême-Orient, par Suez à
l’Atlantique… L’Empire russe rêva longtemps de conquérir les Dardanelles et l’on
sait que ce fut un de ses buts de guerre en 1914-1918 : l’URSS a cru sage
d’y renoncer, au début de la révolution, en s’abstenant, par esprit socialiste,
de toute visée impérialiste, puis, après la réaction stalinienne, parce que ses
intérêts bien compris lui commandaient de composer avec une Turquie qui ne la
menace point, mais saurait, le cas échéant, se défendre efficacement, surtout
grâce aux alliés naturels qu’elle a dans les républiques soviétiques à
population musulmane. Il me semble probable que dans la récente négociation
Moscou-Ankara, qui a échoué, Moscou a cherché à ne point favoriser l’avance du
III e Reich vers la mer Noire : allant peut-être ainsi au devant
d’un échec.
    Le pacte d’Ankara prévoit une aide de la Turquie à la France
et à l’Angleterre si ces deux puissances étaient dans l’obligation de secourir
la Roumanie. La situation de ce petit pays menacé par les deux colosses
allemand et russe s’améliore de ce fait et peut-être beaucoup plus qu’il ne
semble à première vue. Car nous pensons que l’URSS contrecarrera, plutôt qu’elle
ne les favorisera, les entreprises allemandes en direction des bouches du
Danube. Vis-à-vis de la Roumanie, l’URSS observe pourtant, dans la question de
la Bessarabie, une attitude nettement impérialiste. La Bessarabie est un pays
de population moldave non russe, et non slave, qui fut conquis par la Russie
sur les Turcs en 1812, cédé par elle à la Roumanie après la guerre de Crimée, en
1858, reconquis après la guerre de Turquie en 1876. En 1918, la Russie
révolutionnaire perdit cette province pendant la guerre civile. Des années plus
tard, le gouvernement de l’URSS, pour bien marquer sa revendication, créait
autour de la petite ville de Balta, en Ukraine, le long du Dniester, une
symbolique et minuscule « République soviétique de Moldavie », dans
laquelle, de l’aveu des statistiques soviétiques, les Moldaves sont en minorité
par rapport aux Ukrainiens et aux Juifs. On n’a reparlé de cette république, au
cours des dernières années, que pour signaler les disparitions successives de
ses gouvernants et, en janvier, l’exécution des cinq chefs du Guépéou de
Moldavie soviétique qui avaient avoué devant le Tribunal de Kiev avoir extorqué
par la torture, à des instituteurs, des faux aveux d’activité contre-révolutionnaire
(Presse officielle). L’existence de la Moldavie soviétique signifie qu’en cas
de guerre dans ces régions, l’URSS se réserve d’envahir en Bessarabie, rien de
plus. Seulement on peut tenir pour assuré qu’elle ne prendra dans ce sens
aucune initiative, parce que, craignant par-dessus tout la guerre, par suite de
la situation intérieure, elle ne se permettra pas de faire les frais du premier
choc ; et qu’elle n’entend pas, d’autre part, faciliter à l’Allemagne l’accès
de la mer Noire. Si le III e Reich assaillait la Roumanie, l’URSS
tenterait certainement d’occuper les bouches du Danube : elle se
souviendrait même, pour poser ses conditions à la Bulgarie, du rôle historique
de la Russie « protectrices des Slaves » comme on disait au temps de
l’Empire. Ce serait pour empêcher les Allemands de s’installer dans les ports
de Constanza – roumain – et de Varna – bulgare –, c’est-à-dire de prendre pied
sur les côtes de la mer Noire… Pour la même raison, quelles que puissent être
les apparences, l’URSS ne secondera pas l’avance économique et diplomatique du
III e Reich vers les bouches du Danube et le Bosphore. Les deux
nouveaux impérialismes ont dans cette partie de l’Europe des intérêts diamétralement
opposés. Et l’histoire nous apprend que les rivalités de cette nature ont souvent
sauvé de petits pays. Il en sera ainsi tant que le monde ne se sera pas donné
une organisation plus digne de l’homme.

Angoisse sur la Finlande
    16 novembre 1939
    Sur plus de 1 300 kilomètres, la petite Finlande, avec
ses quatre millions d’habitants, a une frontière commune avec l’URSS, « sixième
partie du monde » et 170 000 000 d’habitants. La géographie et l’histoire
font qu’en plusieurs points stratégiques, la petite Finlande inquiète son
puissant voisin. Le chemin de fer Leningrad-Mourmansk, qui

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