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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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littéraires de
l’URSS. On ignore ce que Jaszinsky est devenu. Le secrétaire général du PC de
Pologne Lenski et ses collaborateurs Albert, Henrikovsky, Bronkovsky ont très
vraisemblablement été fusillés dans les ténèbres sous les confuses accusations
qui avaient servi auparavant à éliminer leurs concurrents et prédécesseurs à la
direction du parti : espionnage, trahison, trotskisme et cætera. Sophia
Ounschlicht, connue parmi les communistes français et allemands sous les
sobriquets de Zossia et d’Hélène, était morte en prison l’année précédente (1937) ;
à la même époque, son frère, Ounschlicht, haut fonctionnaire du Guépéou et
dirigeant de l’aviation soviétique, avait disparu, très probablement fusillé ;
Lapinsky, dont l’autorité était grande en matière de politique étrangère, collaborateur
des
Izvestia
et fonctionnaire
dirigeant de la mission commerciale à Berlin avait disparu…
    Ces disparitions, ces exécutions, ces sombres procès d’inquisition
intentés à tous les réfugiés communistes polonais tant soit peu influents qui
avaient demandé asile à l’URSS, eurent de si démoralisantes répercussions qu’au
début de l’été ou à la fin du printemps 1938 le Comité exécutif de la III e Internationale prononça officiellement la dissolution du parti communiste de
Pologne en dénonçant par avance comme des aventuriers, des traîtres et des
agents provocateurs les militants qui tenteraient de reconstituer un parti sans
l’assentiment des fusilleurs de Moscou… Cette destruction d’un parti par les
hommes mêmes qui l’avaient formé, jeté dans les aventures les plus dangereuses,
voué à la persécution, conduit à la défaite est certainement un des plus
tragiques épisodes de l’histoire du mouvement ouvrier dans les dernières années.
Un an avant de livrer la Pologne tout entière au nazisme, Staline avait fusillé,
jeté aux oubliettes, voué au déshonneur et à la démoralisation tout ceux qui, dans
la classe ouvrière et parmi les intellectuels de ce pays avaient eu foi en lui,
l’avaient servi, avaient formé son parti.

Une conclusion *
    13 octobre 1939
    Ce que je laissais nettement pressentir dans un article de
La Wallonie
publié il y a deux ou trois
mois, intitulé
Baltika
, s’accomplit :
l’URSS met à profit la conflagration européenne pour imposer sa mainmise aux
petits États de la Baltique. En tout ceci, les grandes lignes de la politique
étrangère du Bureau politique sont d’une netteté suffisante. Elles peuvent se
définir ainsi : ne s’attaquer qu’aux faibles ou aux vaincus ; pactiser
avec le voisin le plus redoutable tout en prenant des précautions contre lui ;
aggraver si possible le conflit ouvert entre les puissances occidentales pour
en tirer bénéfice ; ne pas s’engager soi-même… Politique de moindre effort
qui ne requiert, pour obtenir, grâce à des situations géographiques
avantageuses, des succès appréciables, qu’un manque de scrupules assez total.
    La collusion Hitler-Staline n’a surpris que ceux qui, depuis
des années, s’efforçaient avec une étrange décision à ignorer les faits les
plus criants et à demeurer sourds aux avertissements… Les psychologues
chercheront plus tard à cette attitude, qui fut celle de beaucoup d’hommes
intelligents et de bonne foi, des explications. Les avertissements n’ont pas
manqué. Dès l’assassinat d’Ignace Reiss, en 1937, nous trouvions dans son
carnet de notes quelques lignes sur les entretiens répétés d’Hitler avec un
homme de confiance de Staline, en mission à Berlin.
    Cette note fut publiée, mais tomba dans le silence gêné que
la presse de gauche – où les staliniens exerçaient une forte influence – faisait
sur l’affaire Reiss. Plus tard, l’ancien agent secret soviétique Krivitsky fit
dans la presse socialiste de l’émigration russe et dans la grande presse
américaine des révélations analogues, tout à fait précises. Au lendemain du
renvoi de Litvinov, enfin, l’ancien chargé d’affaires de l’URSS à Athènes, Alexandre
Barmine, Boris Souvarine [336] et moi-même, nous commentâmes l’événement en lui conférant sa signification
générale. Nos voix criaient dans le désert.
    Les faits eussent dû porter davantage. Sous un rapport
capital, celui du traitement infligé à l’homme, l’URSS avait complètement
changé de visage depuis peu d’années. Tous ceux pour qui le mot socialisme
sous-entend le

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