Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
Vom Netzwerk:
respect de l’homme eussent dû s’en apercevoir ; mais
attachés à des illusions mortelles, beaucoup parurent se contenter d’une
nouvelle définition du socialisme par la construction des machines et l’organisation
industrielle. On leur montrait des clichés représentant les formidables
turbines de Dniéprostroy et ils acceptaient d’ignorer dans quelles sordides
baraques logeaient les prolétaires affamés et opprimés qui construisaient ces
turbines. D’autres nous disaient, comme me le rappelle un ami : « Non,
je ne veux pas lire ce que vous écrivez. Vous avez peut-être raison, mais je ne
veux pas le savoir. Je suis trop vieux pour voir une nouvelle révolution ;
je veux mourir avec l’illusion que la révolution russe est toujours la
révolution ». Ces paroles d’un vieil homme sont authentiques… Parlions-nous
des salaires du travailleur russe qui sont inférieurs de quelque 25 à 30 % à ce
qu’ils étaient sous l’Ancien régime, on nous traitait de calomniateurs ou l’on
hochait la tête avec une tristesse pleine de doute. Parlions-nous de la
suppression absolue de toute liberté d’opinion, on se bouchait les oreilles.
« Vous faites de mauvaise besogne, me disait sur un ton de blâme une
militante bruxelloise. – Vous divisez la classe ouvrière ! » Sincère
à coup sûr, mais combien aveugle ! Quelle unité ouvrière, quelle unité
socialiste eût pu vivre sur la fourbe politique qui consistait à vouer à la
prison perpétuelle tous les socialistes de l’URSS – sans exception aucune, et
avec eux quiconque se permet de penser… – tout en prodiguant aux socialistes de
l’étranger les démonstrations d’amitié et les offres d’unité ? Tôt ou tard
le ferment de démoralisation que la scélératesse des uns, la complicité et l’aveuglement
des autres eussent mûri se fût révélé funeste.
    Maintenant que les masques sont tombés, une conclusion s’impose
avec rigueur. Aucune politique ouvrière qui vaille ne peut se fonder sur le
mensonge ni subir impunément le mensonge. Nous avons de sûrs et simples moyens
de contrôle pour discerner le faux du vrai, la réalité du mensonge intéressé
sitôt que l’on nous parle de réalisations socialistes. Il n’est que de demander :
quels sont les salaires réels ? Quelle est leur proportion par rapport au
revenu de la collectivité ? L’homme peut-il dire ce qu’il pense ? Est-il
en sécurité dans la cité ? Et s’il n’a point de sécurité, point de
bien-être, s’il est bâillonné, s’il doit adorer un Chef infaillible, génial, solaire,
comment osez-vous nous parler socialisme ? Ne voyez-vous pas que votre
Chef génial ressemble trait pour trait au Führer et qu’ils sont faits pour s’entendre ?

Bataille perdue
    21-22 octobre 1939
    On pouvait s’attendre, et nous l’avons dit depuis longtemps,
à ce que la Russie profitât d’une conflagration européenne pour récupérer le
long de la mer Baltique les frontières que la guerre civile lui avait fait
perdre. Elle ne rencontrait là que trois petits États tout à fait incapables de
lui résister et qui, d’ailleurs, de par la géographie et l’économie, dépendent
d’elle ; au nord, un quatrième État, faible, lui aussi, mais placé par son
histoire et sa situation géographique dans des conditions un peu meilleures, susceptibles
de lui assurer une certaine autonomie de développement, limitée mais réelle… Aujourd’hui,
le drame de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie est dénoué par l’occupation
soviétique sur laquelle il n’est pas possible de se faire beaucoup d’illusions [337] . Le drame de la
Finlande se joue en ce moment : ce petit pays risque sa vie même, précisément
sans doute pour maintenir une autonomie réelle [338] . Celle-ci n’étant
pas incompatible avec les intérêts stratégiques de l’URSS, nous pensons que la
Finlande a d’assez grandes chances de salut.
    En tout ceci, le III e Reich perd une bien grande
bataille, la bataille de la Baltique. Depuis le haut Moyen Âge, la poussée
allemande se faisait sentir du sud au nord, le long de ces côtes. L’ordre des
chevaliers Teutoniques y établit la féodalité. Les descendants des premiers
barons allemands régnèrent en Livonie, en Courlande jusqu’à la conquête russe, qui
commença au début du XVIIIe siècle sous Pierre le Grand et s’acheva à la fin du
siècle sous Catherine II. En réalité, la noblesse allemande restait

Weitere Kostenlose Bücher