Retour à l'Ouest
rattache la seconde
capitale russe au seul port de la mer des Glaces qui ne soit point gelé tout l’hiver,
suit sur tout son parcours la frontière finlandaise dont il n’est séparé dans
le nord que par une soixantaine de kilomètres. La frontière finlandaise, entre
le lac Ladoga et le golfe de Finlande passe à 34 km de Léningrad, port et
centre industriel russe de première importance. Les îles du littoral finlandais
contrôlent les approches du port de guerre soviétique de Cronstadt et du port
commercial de Leningrad. Le petit port finlandais de Petsamo, en Laponie, pourrait
enfin contrôler l’accès de Mourmansk… Voilà bien des positions maîtresses, dangereuses
à posséder vis-à-vis d’un voisin formidable et pourtant ombrageux.
En 1919, quand Petrograd rouge affamé, sans cesse attaqué
par les armées blanches, résistait désespérément, la Finlande tint entre ses
mains le sort de la seconde capitale révolutionnaire et, dans une large mesure,
dès lors, celui de la République des Soviets. Bien que la Finlande fût alors un
État gouverné par les vainqueurs d’une sanglante contre-révolution, elle se
garda sagement d’intervenir contre la Russie socialiste aux abois. Le calcul
politique dont elle s’inspirait est connu : elle ne souhaitait pas la
victoire des généraux de l’empire qui eussent tenté de reconstituer une Russie
impérialiste et, pour cela même, ennemie de la Finlande. Les Soviets, par
contre, reconnaissaient hautement le droit de toutes les nationalités naguère
opprimées par l’Empire à une existence autonome ou indépendante ; ils n’avaient
d’ailleurs pas la force de s’opposer à l’affermissement de l’indépendance
finlandaise.
Un an plus tôt, la révolution allemande avait sauvé la
Finlande d’un joug plus dur encore que celui du tsar. Pour vaincre la république
socialiste instituée non par les bolcheviks, comme on le dit quelquefois à tort,
mais par des socialistes très épris de liberté, très soucieux de réaliser une
démocratie véritable, la réaction fit appel à l’intervention allemande et ce
fut le débarquement de vingt mille Allemands commandés par un général von der
Goltz qui lui procura la victoire. Dès le lendemain, les Allemands posaient la
question de l’envoi chez eux de la main-d’œuvre finlandaise ; ils
proposaient d’utiliser ainsi, dans une sorte d’esclavage, les prisonniers
rouges de la guerre civile… À Brest-Litovsk, ils avaient imposé à la république
des soviets la non-intervention en Finlande, c’est-à-dire le sacrifice de ce
pays sur lequel Lénine fondait de grandes espérances. « Meilleurs organisateurs
que nous, écrivait Lénine, les ouvriers finlandais nous aideront en toute
matière… » (Lettre de Zurich, du 11 mars 1917).
De 1919 à nos jours des relations passables se stabilisèrent
entre la Finlande et la Russie rouge d’abord, l’URSS stalinienne ensuite. Quelle
est donc la cause de l’étrange conflit maintenant ouvert entre la puissance
totalitaire russe et la petite république nordique trop faible en réalité pour
se prévaloir jamais de ses avantages stratégiques ? Cette cause, nous l’entrevoyons
nettement. Ayant, à la faveur de la guerre européenne, gagné sur l’Allemagne
sans tirer un coup de canon, la bataille des Baltiques et chassé des pays
baltes les colons allemands, l’URSS tient à achever cette victoire en prenant
contre une Allemagne future ses suprêmes précautions. Il s’agit de lui fermer
le nord de la Baltique en y créant des bases navales et aériennes telles qu’aucune
flotte partie de Königsberg ou Dantzig ne puisse menacer la Russie. C’est par
peur du III e Reich que Staline menace la Finlande.
Celle-ci, de son côté, comprend certainement le jeu et
paraît ne se montrer intraitable que sur un point : plutôt que d’accueillir
sur son territoire des garnisons staliniennes, elle se battrait. On le comprend.
Son sentiment national se double d’une juste appréhension de la terreur et du
dépouillement, car elle jouit, en comparaison avec la Russie, d’une aisance
véritable. Et comme la fragilité intérieure de l’URSS lui commande d’éviter la
guerre avec un petit peuple résolu et tout à fait inassimilable, le plus
probable est qu’un compromis finira par intervenir.
Courage des hommes. Byrd
24 novembre 1939
Nous nous sommes accoutumés à lire, chaque jour, de brefs
récits d’atrocités déshonorantes pour
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