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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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n’est pas un méchant homme, ce n’est pas un
agitateur de meeting, ce n’est pas – nous en jurerions, bien que ne le
connaissant pas personnellement – un « ennemi de la France »…
    Que s’est-il donc passé ? Très probablement ceci – ou
quelque chose d’approchant. Un membre du personnel de l’ambassade appartenant
au service secret du Guépéou à l’étranger est entré dans son cabinet, tenant à
la main une feuille de papier, et lui a dit avec toute la déférence requise :
« Camarade ambassadeur, voici le texte d’un message à notre gouvernement
dont l’envoi me paraît indispensable… D’ailleurs, je viens de recevoir à ce
sujet un coup de téléphone précis… » En d’autres termes, M. Souritz n’a
pu envoyer son malencontreux télégramme que par ordre supérieur.
    Pourquoi cet ordre ? Sans doute pour créer un petit
incident, à des fins qui nous paraissent obscures.
    Sans nul doute aussi pour se débarrasser de M. Souritz.
Car après une « gaffe » de cette force, il ne saurait prétendre à un
nouveau poste dans la diplomatie ; et si, se doutant bien de la fin qui l’attend
à Moscou, il avait été tenté de solliciter l’asile, en qualité de réfugié
politique, en France ou en Angleterre, on le mettait dans la situation la plus
fausse… Une dépêche publiée à Londres nous apprend que M. Souritz s’est
arrêté à Bucarest, attendant, pour continuer son voyage, de connaître quel sort
on lui réserve à Moscou… Voilà ce que l’on ne lui dira pas. Mais il ne peut pas
ignorer que son collègue et ami Karakhane fut rappelé d’Ankara pour être envoyé
à Washington, – et coffré à sa descente du train ; que son collègue et ami
Antonov-Ovseenko, consul-général à Barcelone (après avoir été ambassadeur à
Prague et à Varsovie), fut rappelé pour recevoir le portefeuille de la Justice
– et coffré à sa descente du paquebot ; que son collègue et ami Raskolnikov,
ambassadeur à Sofia, fut rappelé pour recevoir une nouvelle nomination et mis
hors-la-loi en cours de voyage, ce qui lui permit de se réfugier à l’étranger… Le
cas de M. Souritz est, on le voit, beaucoup plus tragique qu’il ne semble.
Nous souhaitons à cet ancien socialiste le courage de rompre avec un régime qui
le tuera presque certainement s’il lui demeure fidèle. Il a fait de son mieux, à
Paris, pendant des années, la politique dite de Litvinov : collaboration
avec la SDN, pacte franco-soviétique, résistance à l’agression, soutien des
fronts populaires… Staline a changé de politique ; et l’on sait ce qu’il
fait des hommes qui, ayant été ses instruments, ne sont plus que des témoins
gênants.

Les hommes et les idées. Vues générales sur la guerre *
    19 avril 1940
    Le
Prométhée vainqueur
de M.  Georges Valois est un petit livre plein d’idées…
En sous-titre :
ou explication de la
guerre
(Paris, édition Liberté). Il pourrait même fournir l’occasion
d’un utile débat sur la valeur des idées à notre époque de connaissances
précises, de spécialisations, de technique intellectuelle. Si intéressantes qu’elles
soient, les idées générales formulées par un esprit largement armé de savoir
risquent toujours de se trouver en défaut sur quelques points d’importance, du
fait d’une insuffisance de connaissances spéciales. Pour cette raison, le
travail de ceux qu’on appelait autrefois les « idéologues » a
beaucoup perdu de son attrait et de son intérêt : l’idéologie recule
devant le savant ou, plus simplement, devant l’homme informé ; les idées
ne valent plus que lorsqu’elles s’accordent avec le savoir ; les vastes
synthèses sont devenues difficiles à esquisser.
    Nous connaissons trop le monde pour pouvoir le bien
comprendre ; nous sommes débordés par les résultats de la recherche
humaine et il en résulte souvent que notre ignorance générale dépasse nos
connaissances particulières ; ou encore que des hommes très renseignés sur
certaines choses fassent preuve, par ailleurs, d’une dangereuse ignorance… Ceci
est particulièrement vrai de la plupart des intellectuels, possesseurs de
connaissances professionnelles suffisantes ou approfondies, mais déplorablement
ignorants en des matières essentielles comme la sociologie et l’économie
politique.
    M. Georges Valois m’a fait penser tout ceci, car je
serai enclin à lui reprocher de substituer, toutes les fois qu’il traite de

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