Retour à l'Ouest
la
révolution russe – cette expérience historique capitale de notre époque – le
jeu habile et brillant des idées à l’étude attentive des faits ; de
procéder en un mot en idéologue et non en sociologue, ce qui le conduit à des
conclusions sommaires tellement éloignées, me semble-t-il, de la réalité (dont
la vérité n’est que le reflet dans notre esprit) qu’il faudrait des tomes pour
les discuter. Épinglons en passant, pour justifier ceci, des phrases de ce
genre : « La révolution russe n’a pas eu lieu », – « l’imposture
inouïe de Lénine », – « Lénine qui agissait en tsar » et « la
Révolution française avait été faite pour libérer l’individu de l’État… ».
Cette dernière assertion est d’autant plus étonnante que la révolution
française a fait l’objet d’études assez complètes et assez répandues, à la
différence de la révolution russe. On peut tenir pour établi qu’elle ouvrit les
voies au développement capitaliste qui devait entraîner la formation des grands
États nationaux puis des empires industriels et financiers. La civilisation
bourgeoise ne s’est jamais souciée de libérer l’individu du joug de l’État et
pour cause : elle repose sur l’organisation étatique.
Ces réserves faites, l’ouvrage de Georges Valois, qui
redécouvre ou réinvente à sa façon le socialisme, a toute une première partie
remarquable par la clarté et l’ampleur des vues. Et c’est de cette partie que j’eusse
voulu parler plus longuement ; mais les réserves s’imposent. Sur la guerre
présente peu de vues générales ont été jusqu’ici exprimées et cela se comprend…
Valois écrit :
« La guerre actuelle vient du fait que les États, nations
et peuples n’ont pas trouvé le moyen de résoudre, par la raison et la technique,
le triple problème de l’exploitation rationnelle des matières premières du
monde entier – de la création de la propriété collective, permettant l’organisation
rationnelle des économies nationales, – de la création des institutions
économiques apportant de nouvelles garanties à la liberté individuelle au lieu
de la supprimer… ». « Le monde est tout simplement dans une de ses
plus grandes mutations totales… ». « Au-dessus de toutes les intrigues
et ambitions des hommes d’État, des dictateurs et des oligarchies, la guerre de
1939 est la suite des grandes guerres ouvertes par les guerres de la Révolution
et de l’Empire, au milieu desquelles, faute d’une technique politico-économique
de la paix, l’humanité tend confusément à la constitution des grandes
communautés qui pourront exploiter rationnellement les richesses planétaires, dont
les possibilités d’exploitations sont renouvelées, depuis le XVIII e siècle,
par la science et la technique. »
Nous dirions, employant le langage coutumier du socialisme, que
l’âge de la propriété privée des moyens de production est révolu ; que
cette guerre, dont la cause principale est dans la faillite du capitalisme et
la carence du socialisme en Allemagne, c’est-à-dire dans la plus grande usine
de l’Europe, constitue une des phases de la transformation sociale du monde
européen ; et qu’à moins de susciter des réactions sauvages qui pourraient
ouvrir par la force une longue période de décadence et de misère générale, elle
semble devoir amener des changements imprévisiblement profonds dans le régime
de la propriété, du travail, de la gestion des richesses collectives, c’est-à-dire
acheminer les nations vers diverses formes de socialisme… Il est curieux, à cet
égard, de voir des économistes libéraux anglais reprendre à leur compte des
arguments naguère considérés comme ceux du socialisme et songer à des
États-Unis d’Europe.
Les hommes et les idées. L’homme russe et la
guerre
23 avril 1940
Le traité de paix signé entre la Finlande et l’URSS prévoit,
à bref délai, l’échange des prisonniers… Je ne puis songer, à ce propos, aux
prisonniers russes sans éprouver un serrement de cœur. Ce sont des milliers de
pauvres gens, échappés aux balles et au grand gel, qu’attendent maintenant d’autres
épreuves. Officiellement, il n’y a pas eu de guerre en Finlande ; il n’y a
pas eu d’échecs militaires ; pas eu de défaites locales ; pas eu de
bombardements de villes et de villages ; le Chef est infaillible, humain, génial,
et c’est le stratège le plus grand de
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