Retour à l'Ouest
bas-salaires, les
persécutions, les périodes de dictatures.
Des généraux transformèrent les Maisons du Peuple en
casernes de cavalerie. Le syndicat fut plus qu’à demi illégal. Mais à la pointe
du combat en 1917, quand la classe ouvrière d’Espagne commence à bouger, indignée
par les massacres de la grande guerre, exaltée par les premiers appels de la
révolution russe. En 1927, sous la dictature militaire, la grève des mineurs
donne le signal du réveil des travailleurs. À vrai dire, ils ne se situent
pourtant pas tout à fait à gauche du mouvement ouvrier : ce sont des
modérés, des constructeurs, des esprits positifs, dont la parole réfléchie
contraste, avec celle qui n’est que flamme idéaliste, des anarchistes de la CNT ;
à peine les polémiques entre anarchistes et socialistes ont-elles perdu de leur
gravité qu’une lutte politique beaucoup plus âpre encore s’engage en 1922 entre
les socialistes d’Oviedo et les communistes, en majorité à Gijon. Cette
querelle de frères ennemis dure douze ans, jusqu’en 1934. À cette date, les
mineurs qui ont au plus haut degré le sens de l’unité de classe, se joignent de
bonne heure à la vaste Alliance Ouvrière, formée d’abord en Catalogne et qui
gagne peu à peu toute l’Espagne pour réaliser en face du fascisme montant l’union
de tous les travailleurs. Les communistes officiels, adversaires de l’Alliance,
se sentent débordés et finissent par s’y joindre en faisant bonne mine à
mauvais jeu, quelques semaines avant la bataille décisive d’octobre 1934.
Bataille décisive, disons-nous, car c’est à ce moment que la
classe ouvrière d’Espagne est pour la première fois sauvée du fascisme par les
mineurs des Asturies. L’Europe vivait depuis dix-huit mois sous l’impression de
l’avènement d’Hitler en Allemagne. Le prolétariat socialiste de Vienne venait d’être
très catholiquement mitraillé par le chancelier Dollfuss. Après de longs
cheminements dans les coulisses des Cortès, la droite monarchiste et fasciste
dirigée par Gil Robles entra dans le cabinet radical Lerroux. C’était l’étranglement
parlementaire de la République espagnole. Seulement, pour les mineurs, l’expérience
internationale n’était pas une phrase creuse. L’un deux, Manuel Grassi, notait
le 3 octobre : « Les travailleurs espagnols ne répéteront pas l’expérience
amère de leurs frères d’Allemagne ». La Maison du Peuple de Mieres
devenait une ruche ardente. Si la CEDA (Confédération des droites) participait
au gouvernement, on se battrait.
Et comme la nouvelle se confirmait le 4, Mieres était au
pouvoir des ouvriers le 5.
Par groupes de trente hommes qui acceptent d’obéir sans
discussion à celui qu’ils investissent de leur confiance, deux cent mineurs se
transportent en camions automobiles vers Oviedo. À la Manraneda, les forces
régulières les attendent supérieurement armées. Les mineurs n’ont encore que
des pistolets et quelques fusils ; mais ils ont déjà inventé la cartouche
de dynamite. Ils passent. Oviedo est prise le 6, au prix d’une dure bataille. Deux
sergents se multiplient parmi les rouges à titre de techniciens militaires. La
fabrique d’armes de la Vega est prise ; prise la Banque. Victoire ouvrière
complète, sans excès, sans chaos, sans violences inutiles. Le Comité de l’Alliance
Ouvrière menace de faire fusiller quiconque se livrera au pillage, réquisitionne
les stocks de vivres et de vêtements, dont il organise la répartition, mobilise
les jeunes, constitue une armée rouge. En tête du mouvement de vieux
socialistes Belarmino Tomás , Gonzalez Péna, un jeune
mineur, communiste d’opposition, Manuel Grossi , un
anarchiste, José Maria Martinez [73] .
« 50 000 travailleurs dont beaucoup n’étaient pas organisés prirent
part au soulèvement des Asturies avec une discipline admirable », écrit
Grossi.
Dans l’entre-temps la partie avait été perdue à Barcelone. Madrid
ne bougeait pas. Le gouvernement pro-fasciste appelait du Maroc ses Maures
fidèles, sa légion étrangère. Le 15 octobre l’aviation du général Lopez Ochoa
survolait Oviedo. Isolée la commune asturienne ne pouvait pas tenir ; il
fallait songer à conserver les forces vives du prolétariat. Belarmino Tomás, avec
mandat du Comité Révolutionnaire, négocie avec le général Lopez Ochoa une
capitulation acceptable, mais que les vainqueurs ne respecteront point… José
Martinez
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