Retour à l'Ouest
prolétarien. Rappelons-nous qu’en 1870 la France et
l’Allemagne furent lancées dans la guerre grâce au coup de la dépêche falsifiée
d’Ems qui fit croire à Napoléon III que son ambassadeur avait été outragé par
le roi de Prusse [107] .
Le conflit gravitait autour de la succession au trône d’Espagne. Bismarck, connaissant
l’amour-propre et la présomption de son adversaire, fit modifier dans un sens
blessant le texte d’une dépêche… On sait ce qu’a coûté au monde le coup de la
fausse dépêche d’Ems…
Autriche 1934
20-21 février 1937
Marquons cet anniversaire d’une incontestable grandeur et
plein d’enseignements. Trois années se sont écoulées depuis et voici sept mois
que l’on se bat en Espagne. Le major Fey , ministre de la
Sécurité publique du petit dictateur Dollfuss , avait
déclaré le 11 février : « Demain, nous nettoierons l’Autriche… »
Le lendemain la bataille s’engageait à Linz entre les forces ouvrières
socialistes et la réaction cléricale, fascisante, derrière laquelle agissait
ouvertement l’Italie [108] .
Il faut le dire : les prolétaires d’Autriche se
battirent dans une situation presque désespérée. L’avènement d’Hitler au
pouvoir les avait condamnés. La petite Autriche, prise entre deux grandes
puissances, l’une fasciste, au midi, l’autre nazie, au nord, devait être
déchirée et assujettie. Vienne était rouge, magnifiquement ouvrière, gérée par
une municipalité socialiste qui en avait fait l’entreprise d’utilité publique
la plus florissante de l’Europe. La municipalité possédait plus du tiers des
terrains de la ville ; elle employait 54 000 personnes. Elle avait
réussi à vaincre la tuberculose et la misère, créé des institutions ouvrières, des
écoles, des piscines, des œuvres sans nombre comme des pays autrement opulents
et prospères n’en offrent pas d’exemple. Elle n’en était que plus faible, isolée
avec son prolétariat, dans un pays paysan, réactionnaire et catholique. Ses
œuvres, ses régies, sa richesse en faisaient une belle proie à conquérir autant
qu’une forteresse à détruire.
Jusqu’en mars 1933, le parti chrétien-social avait gouverné
avec une seule voix de majorité… C’était l’exploit de Dollfuss. En mars 1933, tandis
qu’Hitler devient chancelier du Reich, le Parlement autrichien s’effondre sans
lutte. À vrai dire, il est trop tard pour se battre puisque la classe ouvrière
d’Allemagne, la grande alliée naturelle, est vaincue sans combat. L’Autriche
devient le champ clos des compétitions fascistes. Les nazis intriguent, agissent,
sèment des bombes : tout un gouvernement hitlérien occulte et bruyant s’organise
pour l’Autriche à Munich. Dollfuss, qui est honnête, médiocre et pieux, rêve d’un
État corporatif dont il puise les idées dans l’encyclique papale
Quadragesimo anno
(1931). Peut-être
est-ce l’influence du Vatican qui l’amène à se prononcer pour le joug
mussolinien. Les Italiens l’engagent à commencer, comme ils ont commencé
eux-mêmes autrefois, par briser la puissance socialiste. Vienne la Rouge n’a
pas d’alliés en Europe centrale, les démocraties occidentales sont irrésolues
et l’esprit bourgeois saura bien y imposer la plus criminelle et la plus sotte
neutralité devant le massacre des ouvriers… Les Heimwehr, troupes de choc paysannes
et cléricales, reçoivent des fonds, des armes et des encouragements d’Italie. La
provocation se déclenche à Linz : il s’agit d’acculer les ouvriers à la
bataille. Les leaders de la social-démocratie, Otto Bauer et [Julius] Deutsch , cherchent en vain Dollfuss pour le
mettre en présence de ses responsabilités. Le minuscule chancelier sait tout. Il
se dérobe : il est à la messe à Saint-Stéphane priant Dieu de lui accorder
la victoire sur les travailleurs de son pays.
Ce sont des pages d’histoire terribles et douloureuses. L’organisation
de la défense ouvrière, le « Schutzbund [109] »
se bat seule, avec une énergie farouche, défendant pied à pied les belles
habitations prolétariennes. La grève générale n’a pas été engagée à fond, par
suite d’une série d’indécisions et de hasards contraires. On a peu d’armes et
pas d’espoir de soutien. Les suprêmes tentatives de négociation échouent :
on est au guet-apens, l’ennemi sait très bien ce qu’il veut et c’est après
avoir bien prié qu’il verse le sang pour
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