Retour à l'Ouest
devaient
demeurer toujours prêtes ». Le 11 janvier,
L’Humanité
écrit qu’« à Tétouan [104] des militaires
allemands paradent dans la ville et molestent des Français », parle d’une « démonstration
des flottes française et anglaise » et demande que ces « démarches
soient énergiquement appuyées »…
Eh bien, on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de
débarquement de troupes allemandes à Melilla ; que les Allemands n’ont pas
fortifié le port de Ceuta, pas paradé à Tétouan, pas molesté de Français… Il y
a même un peu plus pour nous donner la note humoristique. On sait, quand on
connaît ce détail de géographie, que le territoire espagnol d’Ifni [105] n’a que 25
kilomètres de large.
La Flèche
[106] nous le rappelle
dans son numéro du 6 février, à propos d’un article de madame Geneviève Tabouis
– toujours dans
L’Œuvre
– relatant
l’aménagement par les Allemands d’un vaste terrain d’aviation dans l’enclave
espagnole d’Ifni, à 60 kilomètres de la côte…
On l’a même su très vite. Dès le 11 janvier, le Quai d’Orsay,
dans une note fort prudente, ne parlait que de « bruits annonçant l’arrivée
à Melilla et le prochain débarquement à Ceuta de contingents étrangers au
service du général Franco ».
Le
Temps
publiait qu’à Londres on n’avait pas confirmation de ces
bruits… Le 13, le colonel espagnol Beigbeder autorisait l’attaché militaire français à parcourir en tous sens la colonie
pour s’assurer qu’on n’y trouvait pas de troupes étrangères. Le 18 et le 19,
le Temps
et le
Times
, donnèrent à cet égard des notes
rassurantes. Le 20, à la Chambre des communes, M. Eden parlait de « prétendus débarquements de troupes allemandes au Maroc »
en termes constituant un démenti à peine voilé.
L’opinion avait été chauffée, la tension diplomatique
aggravée par de fausses nouvelles, voilà le fait. Le « Comité de vigilance
des intellectuels antifascistes » de Paris le constata hautement. Qui
avait intérêt à la diffusion de cette fausse nouvelle ? à créer cette
alerte ? Qui ?
Voilà ce qu’évidemment nous ne saurons pas avec précision. La
nouvelle est partie de Paris, envoyée au
Times
qui la publie le 8 janvier. Le 9, les journaux parisiens la
répandent, mais en ajoutant : « On télégraphie de Londres… »
Londres, c’est sérieux. Les Anglais sont honnêtes, renseignés et ne veulent pas
la guerre. Voyez tous ces fils blancs employés à coudre le dangereux mensonge !
On télégraphie de Londres, ce qu’on avait la veille télégraphié de Paris à
Londres… Vieux truc.
La nouvelle n’était pas de source officielle. Aucune
légation, aucun ministère ne se mettra en posture de recevoir dans les 24 heures
des démentis catégoriques. On pense qu’elle avait été émise par l’agence Havas
– mais qui est derrière l’agence Havas ? Que supposer ? Une influence
allemande pour secouer brutalement l’opinion européenne et poser ensuite le
problème des revendications coloniales ? Une influence contraire pour
émouvoir au moyen du faux afin d’empêcher le vrai, car, sans y avoir débarqué
de troupes, des agents allemands sont au Maroc espagnol ? D’autres
influences, plus lointaines, pour accoutumer le public à l’idée de la guerre ?
Des influences financières afin de rafler quelques millions à la Bourse ? La
Bourse a été « exceptionnellement agitée » le 9 janvier et
Le Temps
constate que « l’émotion
est traduite par des ventes massives »… Les vendeurs y ont perdu ; et
trois jours après, l’alerte passée, les acheteurs avaient ramassé des fortunes…
Sans doute, mais ce n’est pas si simple. Dans la coulisse, il y a de grandes
banques, les Forges et les Houillères…
Des forces cachées travaillent ainsi à accoutumer les
esprits à l’idée d’une conflagration générale. Pas de meilleurs moyens de nous
défendre contre elles que de les montrer à l’œuvre. La fausse nouvelle est
aujourd’hui partout, insolente et maléfique. C’est le poison de la presse. Une
dépêche berlinoise annonçait, il y a quelques jours, des troubles à Moscou, la
troupe ayant fait feu sur les manifestants. D’autres répètent chaque jour, détails
atroces à l’appui, que l’anarchie règne à Barcelone. Mensonges, mensonges. Le
drame russe se déroule sans troubles à Moscou. Barcelone menacée donne un
merveilleux exemple d’ordre
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