Retour à l'Ouest
après quatre années d’hésitations, envoyait
Sacco et Vanzetti à la chaise électrique [100] …
La lutte sociale revêtait ces formes monstrueuses parce que la guerre avait mis
l’ordre capitaliste à deux doigts de sa perte et mis la vie humaine à un prix
dérisoire.
En ce sens tout s’enchaîne, tout continue à s’enchaîner. Et
c’est pourquoi, indépendamment même des faits et des idées en cause, les
exécutions de vieux bolcheviks à Moscou ne peuvent qu’avoir les suites les plus
graves et les plus lamentables. Après le 30 juin 1934 d’Hitler, l’URSS pouvait
acquérir dans le monde une situation morale unique en lui offrant l’exemple du
respect humain. Quel contraste victorieux n’eût-elle pas fait avec l’Allemagne
de la croix gammée, en rendant la liberté aux socialistes, en cessant les
proscriptions politiques, en abolissant la peine de mort !
Nous sommes aujourd’hui tragiquement loin de compte. Une
charrette suit l’autre et ceux qui y montent pour aller à la mort, après s’être
avilis, furent les plus courageux, les plus grands au début de la révolution. Admettons
un instant (je ne l’admets nullement, je suis trop informé) qu’ils aient
effectivement et dangereusement conspiré. Sommes-nous donc au commencement d’un
droit nouveau affirmant qu’un gouvernement a le droit d’envoyer à la mort tous
ses adversaires politiques ? Si demain, en Allemagne, en Italie ou
ailleurs, un pouvoir fasciste se prévalait de cet exemple contre nos frères et
camarades de toutes tendances, ne voit-on pas quel grand pas de plus serait
fait vers la barbarie ?
Le VIII e congrès socialiste international de
Copenhague [101] posait dès 1910, du temps de Bebel , de Jaurès et du vieil Adler , la question de la peine de mort « héritage
barbare des ténèbres du Moyen Âge » – « institution honteuse pour l’humanité
civilisée » – « meurtre systématique et légalisée » – « arme
ignominieuse »… La résolution de Copenhague se terminait par ces fières
lignes :
« Les représentants du prolétariat international
organisé politiquement et syndicalement, délibérant à Copenhague, clouent au
pilori les partisans actifs et passifs de l’assassinat ordonné par toutes les
juridictions officielles, civiles et militaires… »
Ce texte fut voté à l’unanimité. Au nombre des délégués qui
le votèrent, figuraient : pour la Russie, Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, Kollontaï , Plekhanov , Lounatcharski ; pour la Pologne, Karl Radek et
Rosa Luxemburg ; pour la Roumanie, Racovski.
À la vérité, le socialisme n’a pas, sur ce point, et ne peut
pas avoir, d’autre doctrine. La classe ouvrière sait se battre, elle ne
massacre pas les vaincus et les prisonniers. Nous voulons rompre avec la
barbarie, rendre à la vie humaine une valeur et une dignité que lui refusent
les systèmes fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est l’heure de
rappeler ces choses, pour les enfants de Madrid et de Malaga comme pour tous
les proscrits de tous les pays sans exception aucune – et pour l’honneur d’une
cause juste dont la force la plus grande est sa force morale.
Le coup de la fausse nouvelle
13-14 février 1937
Nous avons tous été, il y a quelques semaines, les témoins d’un
curieux incident de presse qui ne sera jamais éclairci à fond. Car il nous
amène au seuil d’un vilain mystère. Dans cette ombre-là se trame un complot
permanent contre la paix de l’Europe. C’est la seule chose certaine que nous
sachions…
Plusieurs journaux de Paris,
L’Œuvre
[102] et
L’Humanité
en tête, publient
le 9 janvier que « La Reichswehr est à Melilla [103] ». Des
troupes allemandes ont débarqué au Maroc espagnol. Des ingénieurs allemands
fortifient la côte. Voici l’équilibre européen menacé. La France est touchée, car
le Maroc espagnol n’est à la vérité qu’une petite enclave découpée dans le protectorat
français du Maghreb. Si c’est vrai, nous sommes peut-être à deux doigts de la
guerre. Car la France doit exiger le retrait des Allemands. Exiger : dans
exiger
, il y a
ultimatum
. Tout devient possible. L’alerte
est chaude.
L’Œuvre
annonce (9
janvier) qu’« une escadre française va visiter les côtes marocaines »
(photo de cuirassés…). Madame Geneviève Tabouis écrit le même jour dans ce
journal que « les troupes françaises de Fez ont été averties qu’elles
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