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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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parfaire ses engagements diplomatiques.
Vienne tremble au bruit des fusillades. Dollfuss prend le thé chez le nonce du
pape. Un journaliste écrit :
    « La bataille dura quatre jours à Vienne et cinq ou six
en province. Près d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants furent tués. Neuf
chefs socialistes furent pendus ; l’un d’eux, grièvement blessé, fut porté
à la potence sur brancard.
    » Le Karl Marx Hof et le Gœthe Hof, deux des plus beaux
immeubles ouvriers du monde, furent très abîmés par l’artillerie. »
    Je me rappelle une scène au Gœthe Hof, quelques heures après
le bombardement. Des femmes en larmes et des enfants effrayés regardaient
lamentablement les policiers. Les petits logements simples et propres étaient
dévastés. Je parcourus le jardin d’enfants. Pupitres, tableaux noirs, livres de
classe, boîtes de peinture, jouets gisaient en miettes parmi le plâtras. Au mur,
un dessin fièrement signé du nom de l’auteur « âgé de six ans »
restait accroché, troué par une balle. Sur l’autre mur, dans cette cathédrale marxiste
« athée », s’étalait une gravure représentant le Calvaire. La vitre
en était brisée par un obus « social-chrétien ».
    « Une armée moderne de dix-neuf mille hommes armés de
mitrailleuses, d’autos blindées et d’artillerie de campagne mit quatre jours
entiers à écraser la résistance de cinq mille Schuntzbunder isolés et
désespérés, le dos au mur ou le cou dans le nœud coulant. » (Gunther,
Danube Bleu
)
    Ensuite, au centre du pays, il fallut réduire la colonne
ouvrière de Koloman Wallisch – de ce Koloman Wallisch, vieux
militant, qui marcha tranquillement à la potence en déclarant qu’il mourait
comme il avait vécu, pour la classe ouvrière…
    En acceptant le combat, sans espoir véritable de vaincre, les
militants autrichiens firent plus que sauver l’honneur. L’éclatante preuve de
virilité politique qu’ils donnent au monde atteste qu’il y a quelque chose de
changé en Europe. [Les partis ouvriers [110] ]
d’Allemagne, mortellement divisés, venaient d’être vaincus sans résistance. Rien
ne pouvait être plus démoralisant, plus gros de funestes conséquences dans tous
les pays. Les Schuntzbunder signifièrent au fascisme montant que désormais il
faudrait se battre. Huit mois plus tard, les mineurs des Asturies, profitant de
l’expérience allemande et de l’exemple autrichien, se battront pour casser les
reins au fascisme et réussirent.
    La tentative de mainmise pacifique des fascistes sur l’État
avortera sans peine et la défaite des Asturiens sera le commencement d’un
prodigieux relèvement des énergies ouvrières en Espagne.
    L’action des Schuntzbunder marque aussi que la puissance
combative de la classe ouvrière s’est déplacée. La dégénérescence de l’Internationale
communiste a facilité l’avènement du nazisme en Allemagne ; désormais, à
Vienne et à Oviedo, ce sont des ouvriers socialistes qui feront preuve d’énergie
révolutionnaire.
    Quelques mois plus tard, le 25 juillet, le pieux chancelier
Dollfuss était tué par des émeutiers nazis.
    L’influence italienne l’emporte décidément sur son cadavre. L’Europe
assiste impassible aux premières interventions armées des empires fascistes
dans un petit pays voisin…

Ordjonikidzé *
    27-28 février 1937
    Sergo Ordjonikidzé, la plus grande figure et peut-être la
seule grande du Bureau Politique, dont Staline est le chef, meurt subitement d’une
crise cardiaque, vingt jours exactement après l’exécution des Treize, dont
plusieurs furent les compagnons de Lénine. Ce serait bien le moment, si l’on ne
craignait de donner à la pensée une tournure trop littéraire, d’évoquer ici la
fatalité des anciens, tant le drame russe se déroule inexorablement. L’historien,
sans doute, n’y verra que la logique d’une lutte de classes reprise sur des
bases nouvelles, et qui brise les hommes les uns après les autres, non sans
aveugler ceux qui sont devenus les instruments involontaires de forces sociales
rétrogrades en réalité.
    Ordjonikidzé, plus familièrement appelé Sergo, dans le vieux
parti, de son nom de militant et de forçat, était un bolchevik des temps
rigoureux d’avant la révolution. Géorgien, au surplus, et c’est beaucoup dire !
Il suffit de considérer un instant son portrait pour reconnaître sur ces traits
épaissis par la cinquantaine mais demeurés d’une rude

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