Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
Vom Netzwerk:
travaille. Le Blanc se fait servir et le Noir le sert. Notre conception
est nettement antidémocratique et antisocialiste… »
    L’auteur de ces lignes est un écrivain fasciste, M. Eduardo
Zavatarri. Son ouvrage
Africa
a été publié par l’éditeur Grivelli. Comment cette philosophie totalitaire s’est-elle
traduite dans les actes ? L’expérience de la Tripolitaine, de la Libye et
de la Cyrénaïque nous le faisait connaître avant l’Éthiopie. Le général
Badoglio, chargé, en 1929, de pacifier la Cyrénaïque, s’y prit en commençant
par annoncer ceci :
    « Aucun rebelle n’aura plus de paix, ni sa famille, ni
ses troupeaux, ni ses héritiers. Je détruirai tout : les hommes et les
choses. »
    Badoglio échoua à la tâche. Il ne réussit ni à « pacifier »
la contrée (bien sûr !) ni à tout y détruire. On le remplaça par Graziani
– le blessé d’Addis-Abeba… – qui employa un moyen radical : il fit
interner, dans des camps de concentration établis en plein désert, toute la
population soumise, – toute la population qui, en d’autres termes, s’était fiée
aux Italiens, soit 80 000 Arabes. Combien y périrent ? De quelles
abominations ces camps de concentration ne furent-ils pas le théâtre ? Quel
traitement y fut infligé aux femmes et aux filles si belles des indigènes ?
Voilà des questions qu’il est préférable, pour l’honneur humain, de ne point
poser. Le chef de la résistance nationale, Omar el Moktar ,
fait prisonnier, fut pendu après un procès dérisoire. Les civilisateurs
procédèrent à l’expropriation des terres des indigènes, déclarées en droit
propriété du gouvernement, et attribuées en concession à de grands dignitaires
du Fascio. Le général Graziani n’oublia pas de bien se servir lui-même.
    Je trouve dans une coupure du
Secolo Fascista
cette explication de la conquête de l’Éthiopie :
    « Les Italiens vont en Afrique parce qu’à une heure où
les nations européennes regardent autour d’elles en tremblant, les Italiens
acceptent librement la guerre ; parce que le fascisme vit dangereusement, acceptant
dans le danger la forme dramatique de son instinct d’élévation. »
    On pourrait, à l’aide de cette rhétorique ampoulée, justifier
n’importe quel brigandage gouvernemental ; et sans doute sert-elle aussi à
l’occasion des débarquements d’Italiens en Espagne. Qui se résout à vivre
dangereusement pour lui-même et autrui, au sein de la communauté humaine, se
donne au commencement l’avantage indéniable de la surprise et la supériorité
certaine de l’absence de scrupules. Avantage et supériorité qui n’ont qu’un
temps. S’en remettre à la force, ériger la barbarie en théorie, appliquer cette
théorie dans le sang des peuples faibles ne peut mener qu’aux pires retours de
fortune. On est stupéfait de voir à quel point le fascisme, qui sans cesse
invoque l’histoire romaine, manque de sens de l’histoire. Jusqu’ici pourtant, et
depuis l’antiquité la plus reculée, l’expérience est nette : toutes les
tyrannies se sont effondrées dans des convulsions sociales, la plupart des
tyrans sont morts de mort violente, les civilisations iniques sont tombées sous
la poussée combinée de leurs victimes et des ennemis de l’extérieur… Une des
plus grandes erreurs des régimes totalitaires consiste sans doute à identifier
la force à l’inhumanité alors que c’est le contraire qui est vrai. Le respect
de l’homme donne la mesure de la force réelle, de la stabilité, de la grandeur
d’une société. Et le Fascisme n’est si cruel que parce qu’il se sent partout
menacé.

L’anniversaire du 18 mars *
    20-21 mars 1937
    La guerre franco-allemande laissait le peuple de Paris
ulcéré par deux faillites morales retentissantes. L’Empire fondé par le coup de
force du 2 décembre 1851 s’était effondré comme un château de cartes. Les
Prussiens avaient rossé ses maréchaux en toutes rencontres. Après Sedan et la
capitulation de Napoléon III, Metz et la capitulation de Bazaine, l’Empire
plébiscitaire faisait place, au cours de cette débâcle, à une république à
peine différente. L’Empire avait été le pouvoir des hommes d’argent, la
république du 4 septembre 1870 fut, dès sa naissance, le pouvoir d’une
bourgeoisie foncièrement réactionnaire, soucieuse de s’appuyer sur les gros bas
de laine des campagnes pour stabiliser ce qu’elle appelait l’ordre…

Weitere Kostenlose Bücher