Retour à l'Ouest
de Paris… Cette
flambée de colère d’une foule, jusqu’alors paisible, mais tirée de sa
mansuétude par les « tirez dans le tas ! » déclenche les
événements. La troupe, dans plusieurs casernes, fraternise avec les blouses.
M. Thiers donne alors le signal de la retraite. Les
ministères se vident. Le plan du petit-homme est simple : livrer Paris à
lui-même pour le mater. Le Comité central de la Garde nationale convoque les
électeurs pour élire la Commune. Cet aspect de provocation préméditée dans la
politique de Thiers envers le peuple de Paris n’a pas été suffisamment souligné
par les historiens. Il est pourtant édifiant, surtout si l’on songe que le
gouvernement de M. Thiers était celui d’une bourgeoisie libérale qui
tenait par-dessus tout à parer au danger socialiste.
Choses d’Espagne *
27-28 mars 1937
I
Aux heures les plus noires de la bataille de Madrid, en
novembre dernier, j’exprimais ici même ma confiance raisonnée en la cause des
travailleurs d’Espagne. Les événements ne cessent de la confirmer, malgré la
durée de cette guerre sociale. L’Allemagne et l’Italie, sans s’engager à fond, ce
que les autres grandes puissances ne leur permettent point, ont fourni un gros
effort. La situation n’en est pas essentiellement modifiée : il faudrait, pour
vaincre un peuple entier, plus que quelques divisions italiennes qui d’ailleurs
se battent mal.
Constatons à ce propos des faits bien symptomatiques. L’intervention
italienne au grand jour commença dès juillet par l’envoi de trimoteurs « Caproni »
au général Franco. Et, ce qui est sans analogue dans l’histoire de l’aviation, trois
de ces grands avions, sur une dizaine, tombèrent en Algérie. Des cas de
sabotage assez nombreux furent à la même époque relevés dans les centres d’aviations
italiens. Dès ce moment, des hommes, et risquant gros, mus par le sentiment des
masses, travaillaient obscurément mais efficacement, en Italie même, à mettre
le fascisme en échec. Il est frappant de voir aujourd’hui les gouvernementaux
ramasser des prisonniers italiens par dizaines, peut-être même par centaines. Et
ces prisonniers parlent, racontent quand et où ils ont débarqué, posent devant
l’objectif, se laissent interviewer en présence de journalistes étrangers. On
trouve sur eux des ordres et des dépêches ; leurs papiers sont en règle. Chacun
sait que le combattant sur le point d’être fait prisonnier a pour devoir de
détruire les papiers qui pourraient renseigner l’ennemi. De tout ceci, une
conclusion se dégage. Les Italiens se battent mollement ; ils n’ont ni la
passion désespérée des phalangistes ni la furie des Maures. Car ils se battent
à contrecœur, doivent bien se douter qu’à leur retour en Italie, ils n’échapperaient
pas à quelques ennuis : s’ils parlent, c’est qu’ils n’ont pas l’intention
de se faire rapatrier. Aux dernières nouvelles, télégraphiées par l’agence
Havas, les prisonniers fraterniseraient volontiers avec leurs vainqueurs et
sauraient même chanter
Bandiera rossa
.
Il y a longtemps que des soldats italiens n’avaient entonné à pleine voix ces
belles strophes révolutionnaires…
Et voilà qui nous ouvre des horizons sur le moral du soldat
fasciste et, plus largement, sur la puissance fasciste…
II
Je trouve dans un numéro du
Journal de Barcelone
des extraits d’une lettre véhémente
adressée par le général Burguete au général Queipo de Llano. Les fils du
premier, combattants républicains, ont été fusillés par ordre du second, l’un à
Séville, l’autre à Malaga. Luis Burguete, aviateur, fut passé par les armes au
début de la sédition militaire. Queipo réglait ainsi un vieux compte familial. La
lettre de Burguete le soufflette à chaque ligne, dans un style où l’invective
est cinglante, sanglante et méritée. Cela fait penser, sans le moindre sourire,
je vous assure, aux vaticinations des combattants d’Homère :
« C’est toi, toi le lâche qu’on a vu pleurer un jour au
Maroc pour avoir abandonné la colonne Riquelme que tu avais l’ordre de soutenir
sur la route de Tétouan ! Ne t’en souviens-tu plus ? La peur t’empêcha
de faire ton devoir. Et ce fut mon fils Luis qui, criblé de blessures, demi-mort
quand il descendit de la montagne entre les bras de ses Marocains, ce fut lui
qui fit connaître ta lâcheté dont il avait été le témoin étonné. Voilà ce que
tu ne
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