Retour à l'Ouest
pouvais pas lui pardonner. Et tu t’es vengé de lui. Et aussi de moi, de
moi qui présidai le tribunal qui jugea et condamna ta conduite. As-tu oublié
que Primo de Rivera, en apprenant ta lâcheté, te chassa ?
»… Ivrogne bouffon, tu as fait fusiller mon troisième enfant,
mon Manuel sans peur et sans reproche… »
La lettre de Burguete rappelle, à coté de ces traits
inhumains, d’autres traits d’un ridicule édifiant :
Après la révolution « une de tes premières clowneries
fut de te présenter à la Maison du Peuple en clamant ton adhésion à la cause
populaire. Toi, senorito de naissance, te proclamer socialiste ! C’était
le comble ! »
Des combles d’hypocrisie aux combles de férocité, sans
oublier les combles de comique involontaire de certaines déclarations à la
radio sur la sédition victorieuse des Croix de Feu en France, le général Queipo
de Llano campe devant nous un personnage symbolique qui ne fait pas honneur au
temps présent. On reconnaît en lui, en dépit de quelques exagérations grotesques,
le Bourgeois réactionnaire aux abois. Il s’adapte au socialisme tant qu’il n’a
pas la possibilité de lui tendre un guet-apens. Il fusille ses fils quand ils
ont passé à la cause populaire. Les haut-parleurs lui servent à diffuser le
mensonge. Il est nationaliste avec un état-major italo-allemand. Il a horreur
du marxisme et sait très bien que l’ordre dont il rêve ne peut être imposé que
par le massacre…
III
Espagne, cruelle Espagne ! s’exclament des essayistes [112] . Et c’est un
leitmotiv repris par beaucoup d’écrivains. L’Espagnol est désespéré,
desperado
. Il a le goût du sang, à
preuve les jeux des arènes. Il est inhumain au combat… Etc.
Comme beaucoup d’intellectuels accoutumés à servir avec une
grande docilité d’esprit les classes riches et conservatrices, les auteurs de
ces phrases faciles n’ont voulu ni se souvenir ni réfléchir avant d’écrire. La
vérité leur importe moins qu’un certain succès de librairie ou de journalisme –
dont la vérité, d’ailleurs, n’ouvre pas la voie. L’Espagnol n’est pas un
primitif : la civilisation ibérique est, après la civilisation italienne, la
plus vieille de l’Europe. Quiconque a vécu en Espagne connaît les qualités de
bonne humeur, d’hospitalité, de politesse, de générosité du peuple espagnol. Mais
là n’est pas la question. Ces férocités, ces bombardements des grandes villes, ces
assassinats d’enfants, ces exécutions de blessés, ces fusillades en masses dans
les quartiers ouvriers caractérisent-ils l’Espagne et les Espagnols ? La
grande guerre n’est pas si loin et son histoire fourmille d’épisodes de ce
genre. Mais nous voici commémorant l’anniversaire de la Commune. Les généraux
de la III e République naissante (qui étaient aussi les généraux de l’Empire
banqueroutier, le marquis de Galiffet en tête), firent dans Paris vaincu et sur
une plus vaste échelle tout ce qu’ont fait à Séville, à Badajoz, à Saragosse, à
Malaga, les généraux espagnols. « L’armée régulière a tué en une semaine
plus de parisiens qu’elle n’avait tué de Prussiens pendant toute la campagne »
écrit Galtier-Boissière dans son
Histoire
de la III e République
.
Ces atrocités, nullement espagnoles, sont le propre de la
soldatesque réactionnaire.
Fascisme et mensonge *
3-4 avril 1937
Au delà d’un certain calibre, le mensonge, quand il atteint
à l’énormité, force en politique une sorte d’admiration. On se dit :
« Quel culot, tout de même ! » Il est vrai qu’on se demande l’instant
suivant quel dosage de fourberie et d’imbécillité explique ce culot-là. J’ai
médité sur ce thème inépuisable après avoir parcouru une brochure de propagande
fasciste éditée à Rome et simplement intitulée :
Le Fascisme, réalisation prolétaire.
Œuvre
anonyme d’un groupe d’ouvriers d’industrie, paraît-il. Il faudrait en citer des
pages entières (et ce serait gâcher impardonnablement du papier) pour montrer
dans toute leur ampleur l’imposture, la falsification des idées et des faits, le
tripatouillage de l’histoire, le truquage des institutions auxquels recourt un
État totalitaire afin de tromper les travailleurs.
Page 8 : « Le Fascisme n’a pas détruit les
organisations des travailleurs. Il a combattu et anéanti le parti socialiste… parce
que celui-ci ne représentait plus les intérêts
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