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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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mois, conseiller à la Justice du
gouvernement catalan, il légalise la révolution dans le droit, simplifie d’une
main rude les procédures, crée les tribunaux populaires. Les staliniens exigent
son éviction du pouvoir et, comme ils ont des arguments fort persuasifs (voyez
armement…), l’obtiennent…
    Juin 1937. Le 17, une mauvaise nouvelle nous est parvenue. Andrés
Nin vient d’être, hier, arrêté à Barcelone et emmené à destination inconnue par
des policiers staliniens. On affirme qu’il a été aussitôt assassiné. Le
gouvernement de Valence ne sait rien, celui de Barcelone ne peut rien. Des amis
prennent le train, arrivent là-bas. Ce sont des socialistes et des
syndicalistes anglais et français. Le ministre de la Justice, M.  Irujo , les rassure. Nin est vivant, tout le monde est fixé
sur les énormes accusations calomnieuses formulées contre lui ; mais il
est à Madrid dans une prison particulière du parti communiste, dont il va
falloir le tirer…
    Et c’est fini. On n’a pas pu l’en tirer. Personne ne sait ce
qu’il est devenu, ce qu’est devenu l’un des tribuns les plus ardents du
prolétariat d’Espagne. Qu’on l’ait embarqué pour la Russie ou assassiné dans
une ruelle, comme l’affirment des rumeurs – c’est fini. Adieu, mon ami. Ta
grande vie courageuse nous reste, semée d’œuvres et d’action. Ta mort terrible
nous reste aussi. C’est jusqu’au bout, comme toi, qu’il faut tenir pour que le
socialisme soit libre.

Bézymenski *
    21-22 août 1937
    Une fois de plus, dans ce flot de terrifiantes nouvelles, qui,
sans interruption, nous arrive de Moscou, avec la disparition d’un président du
conseil (Soulimov, président du Conseil des Commissaires du Peuple de la
République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie), la disparition d’un
membre du Bureau politique ( Roudzoutak ), l’exécution
de soixante-douze cheminots à Irkoutsk, je retrouve un nom familier et dont l’importance
est symbolique. Je signalais récemment ici même la disparition du grand
écrivain soviétique Boris Pilniak ; voici que s’en va à son tour, dénoncé
comme un traître, le plus réputé des poètes communistes russes, Bézymenski.
    … Je me souviens d’un misérable petit logis de Moscou vers
lequel, en 1926-1927, je m’acheminais toujours avec joie. Là vivait, dans les
minuscules chambrettes délabrées d’un ancien couvent, un grand jeune homme d’une
singulière laideur – très haut front dégarni, profil chevalin, mâchoire
anguleuse – qui était une des intelligences les plus remarquables de notre
jeune génération. Chef de file à trente-deux ou trente-quatre ans, il faisait figure
de théoricien de la littérature communiste la plus intolérante, la plus
conquérante, la plus rigoureuse dans ses aspirations, la plus exaspérante à
quelques égards… Il aspirait à tout renouveler pour la révolution, à tout
repenser du point de vue du parti, à imposer une âme nouvelle à la poésie, au
roman, à la critique… Fils de petits artisans juifs, ancien combattant de [la] guerre
civile dans la région de la Volga, Georges Lélévitch était l’animateur du
groupe
Au Poste

Na Postu
–, un poste de combat. Il
vivait très pauvrement avec sa compagne et son petit Varlin. Il y avait, au-dessus
des paperasses de sa table de travail, un portrait en carte postale de l’autre
Varlin, le grand, le fusillé de la Commune. Où est Lélévitch aujourd’hui ?
Il y a près de trois ans qu’un entrefilet de presse nous apprenait son départ
pour un camp de concentration. Avec lui partait pour les mêmes travaux forcés, son
ami, le critique littéraire le plus mordant de la presse communiste de
Leningrad, – Georges Gorbatchev…
    C’est chez Lélévitch que je rencontrais un jeune athlète un
peu voûté, au visage très jeune, au front énorme sous lequel brillèrent de
charmants yeux bleus. « Voici, me dit Lélévitch, notre poète le meilleur, le
vrai créateur de la poésie des jeunesses communistes… » et dans l’intimité,
il ajouta : « Un type magnifique, jeune à jamais, avec une âme de
vrai bolchevik… ».
    Bézymenski allait de succès en succès, non sans mérites
réels. Un poème intitulé
La carte du
parti
venait de faire sa célébrité. Toutes les anthologies le
reproduisirent. Il maniait une langue vive, expressive, familière ; il
disait avec une simplicité qui atteignait quelquefois à la puissance, les
sentiments de

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