Révolution française Tome 1
dans l’après-midi du 15 juin 1775, pour
gagner d’abord Compiègne.
Les carrosses roulent joyeusement grand train.
« Je suis libre de toutes mes fatigues », dit
Louis.
« J’espère que vous avez pensé aux moyens dont nous
avons parlé ensemble », ajoute-t-il en s’adressant à Maurepas.
Il s’agit toujours du bonheur du peuple.
« J’y ai pensé de mon côté autant que j’ai pu dans la
foule des cérémonies. »
À cet instant tout lui semble possible, puisque Dieu l’a
choisi.
On va être reçu par Paris.
La foule est encore là, devant Notre-Dame, puis à l’Hôtel de
Ville, mais l’averse rageuse la disperse.
Il est prévu de faire une halte devant le collège
Louis-le-Grand, cœur de l’Université.
Le carrosse s’arrête, mais la pluie est si forte que ni le
roi ni la reine ne descendent de voiture.
On se contente d’ouvrir la portière.
Un jeune homme est là, agenouillé sur la chaussée, entouré
de ses maîtres.
Il attend le carrosse depuis plus d’une heure.
Il est trempé, immobile sous l’averse, cheveux collés au
front, vêtements gorgés d’eau.
Meilleur élève de la classe de rhétorique du collège, il a
été choisi pour lire un compliment aux souverains.
Il lit. La pluie étouffe sa voix.
Il est né à Arras le 6 mai 1758. Il n’est que de quatre ans
le cadet du roi. Il veut être avocat.
Il se nomme Maximilien Robespierre.
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Louis XVI ne s’est pas attardé devant le collège
Louis-le-Grand. Il n’a prêté qu’une attention distraite à ce jeune homme
agenouillé sous l’averse. À peine si l’on a entendu dans le carrosse sa voix
aiguë.
La reine rit aux propos de la princesse de Lamballe sa
confidente, son amie, à laquelle elle veut faire attribuer la charge de
surintendante de la Maison de la reine.
Turgot s’oppose à cette résurrection, inutile, coûteuse – 150 000
livres de traitement ! – au moment où il tente d’imposer des économies, de
mettre fin à ces libéralités royales qui achèvent de creuser le déficit.
Maurepas appuie Turgot, mais comment résister à
Marie-Antoinette ?
« Que dire à une reine qui dit à son mari, devant moi, confie
Maurepas, que le bonheur de sa vie dépend de cela ? Ce que j’ai pu faire, c’est
de leur faire honte en les obligeant de tenir secret tout l’argent qu’il en
coûte pour cet arrangement. Le public est en courroux de ce qu’on lui a avoué. On
ne lui a pas tout dit… Ce serait bien pis encore si l’on savait à quel point la
princesse de Lamballe et son beau-père le duc de Penthièvre ont fait les
dédaigneux, et que ce n’est qu’à force d’argent qu’on les a fait consentir. »
Il faut donc céder à la reine, qui intervient de plus en
plus dans le jeu politique, pesant sur le roi, hostile aux réformes de Turgot, soucieuse
de défendre la politique autrichienne et donc favorable à un affrontement avec
l’Angleterre qui se dessine.
On aide les colonies anglaises d’Amérique qui, le 4 juillet
1776, ont proclamé leur indépendance. Et le 24 décembre, leur envoyé, Benjamin
Franklin, est à Versailles, délégué de ses Insurgents , pour lesquels
les jeunes nobles, tel La Fayette, et naturellement la « secte philosophique »,
manifestent enthousiasme et solidarité.
Aider les États-Unis d’Amérique, c’est à la fois prendre sa
revanche sur l’Angleterre et l’affaiblir, mais aussi renforcer le nouvel État
qui, républicain, incarne l’esprit des Lumières.
Mais cela a un coût. Or les caisses sont vides, et le
soutien de la cause américaine, la guerre qui se prépare, vont creuser le
déficit royal et conduire à la banqueroute.
Louis XVI n’ignore pas les périls, même si le sacre lui a
donné confiance.
Il écoute Turgot lui proposer ces réformes – et donc ces
édits – qui devraient transformer le royaume, et lui apporter la prospérité, en
remplissant les caisses royales.
Il faudrait d’abord introduire l’égalité devant l’impôt :
supprimer la corvée d’entretien des chemins, remplacée par un impôt payé par
tous.
Louis hésite, puis approuve cette première mesure qui annonce
la fin des privilèges.
Il apprend que les paysans donnent, comme l’écrit Voltaire, « des
marques d’adoration pour leur souverain ».
On chante dans les villages :
Je n’irons plus aux chemins
Comme à la galère
Travailler soir et matin
Sans aucun salaire
Le Roi, je ne mentons pas
A mis la corvée à
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