Révolution française Tome 1
imposer.
Aujourd’hui, ce sont les parlements qui chaque jour veulent
arracher un pan du pouvoir royal.
Ils viennent de déclarer les « lettres de cachet
illégales, contraires au droit public et au droit naturel ». Elles
violeraient « les droits du genre humain, les principes fondamentaux de la
société, les plus vives lumières de la raison, les plus chers intérêts du
pouvoir légitime, les maximes élémentaires de la morale et les lois du royaume ».
Evidemment, Louis va interdire aux parlements de délibérer
sur ce sujet. Mais il sait que les parlementaires reprendront leurs assauts.
Et il est las, épuisé d’avoir ainsi à remonter ce rocher, qui
roulera de nouveau le long de la pente.
Il se sent impuissant. Il a envie de pleurer, comme lorsqu’il
lit ces lettres qu’on lui adresse et dans lesquelles on lui révèle comment la
reine continue de voir le comte Axel Fersen, qu’elle logerait même au château
de Versailles, et on l’invite à débusquer l’amant.
Il est face à son épouse aussi impuissant que face aux
parlements, ou bien à la maladie qui frappe sa famille, le plus âgé de ses fils.
Et l’une de ses filles est morte.
Mais le plus douloureux à accepter, c’est cette haine de
plus en plus violente, impudente, et qui s’exprime ouvertement.
Les auteurs qui ont écrit sur les murs de Paris « Parlements
à vendre, ministres à pendre, couronne à louer » semblent assurés de l’impunité.
Comme ceux qui ont accroché sur la loge de la reine au
Théâtre des Italiens un écriteau : « Tremblez tyrans, votre règne va
finir. »
Tyrans ?
Alors qu’on signale que les gardes françaises, les soldats d’autres
unités ont reçu l’ordre de leurs officiers de ne pas réagir avec vigueur face
aux émeutiers qui les assaillent.
Ils ont ainsi laissé brûler des corps de garde, et ils ont
reçu sans bouger insultes, pavés, bouteilles, bûches. Et quand le maréchal
Biron, qui commande les troupes à Paris, donne l’ordre de dégainer et de tirer –
il y aura des morts, peut-être une cinquantaine –, le Parlement ouvre une
enquête sur la violence des émeutiers et celle des forces royales. Comme si l’une
valait l’autre.
Comment laisser faire ce Parlement de Paris qui le 4 mai
1788 publie une déclaration des Lois fondamentales du royaume , et répète
qu’en matière de subsides, les États généraux doivent être consultés
préalablement, qu’en somme le roi n’est que l’un des pouvoirs qui se partagent
le gouvernement de l’État, et qu’il est sous le contrôle du Parlement et des
États généraux ?
Louis devant de telles prétentions se sent atteint dans sa
légitimité.
C’est bien une révolution qu’entreprennent les parlements.
Que veulent-ils, une « révolution d’Amérique », qui
donne naissance à une Constitution ?
Louis reçoit Malesherbes qui l’invite à prendre la tête de
ce mouvement qui entraîne le royaume.
« Concevez la Constitution de votre siècle, dit d’une
voix pressante Malesherbes, prenez-y votre place et ne craignez pas de la
fonder sur les droits du peuple. Votre nation vous voyant à la hauteur de ses
vœux, n’aura plus qu’à perfectionner votre ouvrage avant de le sanctionner. C’est
ainsi que vous maîtriserez un grand événement en l’accomplissant vous-même. »
Mais il entend aussi la reine, le comte d’Artois, leurs
proches qui l’incitent à entreprendre une grande réforme, équivalente à celle
de Maupeou, et qui réduirait les pouvoirs des parlements. Et il est lui-même
intimement convaincu qu’il ne doit pas laisser les parlementaires démanteler le
pouvoir royal.
« La monarchie ne serait plus qu’une aristocratie de
magistrats aussi contraire aux droits et aux intérêts de la nation qu’à ceux de
la souveraineté, dit-il. Je dois garantir la nation d’un pareil malheur. »
Il approuve donc la décision du garde des Sceaux Lamoignon
de lancer une grande ordonnance sur l’administration de la justice.
On supprime des tribunaux, des offices au Parlement de Paris.
On crée une Cour plénière présidée par le roi.
Et, mesure propre à répondre aux désirs des esprits éclairés ,
on abolit l’« interrogatoire sur la sellette » et la « question
préalable », autrement dit la torture.
« Vous venez d’entendre mes volontés », dira Louis
XVI, dans un lit de justice, après avoir annoncé ces édits et la mise en
vacance des
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